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XVIIème siècle : courage, les précurseurs !
06/04/2012

Le christianisme à la traîne

L’effort scientifique du XVIIe aboutit à une douloureuse relativisation de la place des chrétiens dans l’univers, déjà amorcée par la découverte du Nouveau monde. Les idées de Copernic adoptées par les adeptes des sciences nouvelles privent notre planète de sa place centrale. Les limites sensibles de l’Univers sont repoussées par le télescope et le microscope. Il en va de même des limites de l’histoire humaine. La « chronologie courte » imposée par le christianisme enfermait l’aventure de l’homme sur Terre entre deux bornes. En amont, la date de création du monde pouvait être déduite de la Bible, qui énumère les générations séparant la naissance d’Adam et la mort du Christ. La date de la fin des temps était moins certaine. Mais, jusqu’alors, tous admettaient que le « temps des hommes » était limité à quelques milliers d’années. Confrontés à un flux continu de nouvelles découvertes, les modernes qui tentent d’élucider les origines de l’humanité repoussent sans cesse la limite en amont de la tradition chrétienne, tandis que l’idée naissante du progrès scientifique et moral pousse à imaginer un futur illimité.

Gagner sa vie : entre débrouille et galère

De nos jours, les chercheurs sont formés par les universités et liés à une institution qui leur fournit les moyens matériels et financiers de mener des travaux destinés à être publiés. Mais la situation était en tous points différente au XVIIe siècle. Le passage par l’université ou d’autres lieux dispensant le savoir traditionnel est alors perçu comme une simple étape contraignante, dont les esprits ouverts n’ont pas grand-chose à attendre. Et certainement pas le financement d’une recherche susceptible de conduire à une remise en question des idées reçues ! Galilée et Descartes acceptent, dans un premier temps, l’enseignement traditionnel qu’ils combattront ensuite. Hobbes le subit avec dégoût. Locke et Newton tentent de profiter professionnellement d’un système qui, intellectuellement, ne peut rien leur apporter. Leibniz suit un cursus complet mais renonce à la carrière académique qui étouffera son projet de réforme du savoir.

Mais comment se « débrouillent »-ils financièrement ? Galilée, obligé de renoncer à l’enseignement après son célèbre procès, poursuit ses travaux en résidence surveillée grâce à la bienveillance des Médicis. Hobbes décroche un poste de précepteur qui lui ménage le loisir de se consacrer à ses travaux. L’astronome Pierre Gassendi est également prêtre, ce qui le met à l’abri du besoin dans un premier temps. Mais il finira par devoir enseigner à de jeunes séminaristes, ce qui le contraindra à promouvoir, en classe, la philosophie qu’il critique dans le secret de son cabinet. Fils d’une famille aisée, Descartes finit par vendre ses terres pour poursuivre ses recherches aux Provinces-Unies puis en Suède, où il est « protégé » par la reine. L’itinéraire de Pascal est similaire, tandis que Spinoza vit pauvrement de son métier de polisseur de lunettes… Les trajectoires sont donc multiples. Elles dépendent de la fortune de départ, des besoins financiers, de la bienveillance des puissants. Mais le problème est le même pour tous : trouver le temps, et donc l’argent, pour cultiver des pensées non-conformistes et, donc, difficiles à financer. Le champ scientifique n’est pas encore professionnalisé et aucun système de rétribution ne garantit des revenus stables aux auteurs.

Dans de telles conditions, personne ne peut faire l’économie d’un réseau, même Spinoza, pourtant décrit comme un ermite fuyant la société comme la peste. La République des Lettres remplit cette fonction de « pépinière à réseaux », efficace tissu de relations personnelles aidant à remédier aux éloignements géographiques. Au sein de cette communauté, la reconnaissance des pairs est le facteur de promotion. Galilée ne devient réellement astronome que quand l’Allemand Johannes Kepler lui donne l’adoubement en confirmant ses observations. Les sociétés savantes permettent d’amplifier les renommées. Le Néerlandais Christian Huygens fabrique un télescope et une horloge à pendule ; il explore aussi le calcul de probabilité. Fort de ces réalisations, il se présente à l’Académie de Paris et à la Royal Society de Londres, où son travail est reconnu. Leibniz suit le même itinéraire pour montrer sa machine à calculer.

GW-LeibnizLa correspondance est le ciment du réseau : c’est un moyen relativement sur et peu onéreux d’assurer la communication scientifique. L’infatigable Leibniz échange ainsi 15.000 lettres avec des savants de toute l’Europe ! Les courriers relèvent de genres variés, mais certains sont de véritables petits traités inédits, des œuvres à part entière. Pour le reste, les lettres servent surtout à créer ou à entretenir des liens entre savants et s’accompagnent, quelquefois, de compliments fleuris.

Les lettres de recommandation débouchent quelquefois sur des voyages. Mais, à l’époque, seules la France, l’Angleterre, l’Italie et les Provinces-Unies attirent vraiment les voyageurs érudits, tandis que l’Empire germanique et l’Espagne sont encore considérés comme des déserts intellectuels. Mais la République des Lettres, univers informel reposant sur des relations interpersonnelles, ne suffit plus. Au cours du siècle, des initiatives privées débouchent sur la création d’académies savantes qui organisent la mise en commun des moyens et des résultats de la recherche. Elles offrent à la science nouvelle, exclue des universités, l’ancrage institutionnel qui lui manquait.  Ainsi peuvent y être abordés une multitude de sujets exclus de l’enseignement universitaire traditionnel, comme la circulation du sang !

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