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Les phoques boivent la tasse
15/09/2016

Le prélèvement de poils, de sangs, de lait, tant chez le nouveau-né que chez la mère permet de quantifier ce transfert de polluants associés aux lipides, et donc très présents dans le lait. Mais lors de sa première tétée, l’enfant a déjà été exposé aux polluants depuis bien longtemps. « En prélevant du sang chez des jeunes qui venaient de naître, nous avons également constaté qu’ils étaient déjà fortement intoxiqués à certains polluants, notamment au mercure. Ce qui signifie que le transfert placentaire est également très efficace pour certains éléments-traces. On l’étudie également par le prélèvement du lanugo, un duvet que les petits synthétisent pendant la vie utérine et qu’ils perdent très rapidement. Ce lanugo contient d’importantes concentrations en éléments toxiques. » 

Phoques gris topo

L’effet du mercure sur les globules blancs 

Afin de mieux comprendre l’effet immunotoxique du méthylmercure, une approche in vivo, a été tentée, en collaboration avec l’Allemagne (prof. Ursula Siebert) et le Pr. Marie-Claire Gillet (Mammalian Cell Culture Laboratory, ULg). Les globules blancs, principalement des lymphocytes T, ont été isolés à partir de sang de phoques communs, isolés et mis en culture pour étudier in vitro leur réponse immunitaire à une exposition toxique. Ces cellules, en culture, ne survivent généralement pas plus de 72 heures, ce qui est peu, mais elles sont les ouvrières du système immunitaire. « Lors d’un projet de doctorat, développe Krishna Das, nous nous sommes penchés plus spécifiquement sur les effets du méthylmercure. Présent dans les poissons, ce méthylmercure contamine abondamment les phoques.  La finalité n’était pas de déterminer la toxicité aiguë du méthylmercure, qui est connue depuis longtemps : la molécule affecte gravement le système nerveux, le système immunitaire et le développement embryonnaire. Ce qui nous intéressait était d’exposer les lymphocytes à des concentrations qui reflétaient celles que l’on retrouve chez l’animal en mer du Nord pour observer la gravité des effets à ce niveau d’intoxication. » 

Les observations au microscope électronique allaient confirmer les doutes des chercheurs. Le polluant affectait grandement les mitochondries des phoques communs, un contact hautement toxique qui conduisait les lymphocytes à l’apoptose, la mort cellulaire. « Il faut toutefois rester prudent dans nos conclusions. Une étude in vitro ne reflète pas ce qui se passe chez tout le phoque. Une fois dans le sang, le méthylmercure suit un parcours complexe et finit dans le foie où, étonnamment, il ne se trouve plus sous forme méthylée. Une observation qui remonte aux années 1980, et qui tend à montrer que le phoque est capable, en bout de course, de neutraliser en partie la toxicité du mercure grâce au sélénium. » 

A la recherche de biomarqueurs

Les biomarqueurs sont des réponses d’un organisme face à un stress. En sciences, la finalité est de les identifier et de déterminer leur lien causal avec une maladie. L’intérêt est double. Non seulement, les démarches peuvent se révéler moins invasives (un prélèvement sanguin suffit pour orienter un diagnostique), mais surtout, ces réponses apparaissent souvent très tôt, parfois bien avant la déclaration d’une maladie. « Ce type d’approche a été développé dans les milieux hospitaliers, explique la chercheuse. Tout un pan de la lutte contre le cancer, notamment, a contribué à débusquer dans les analyses sanguines des biomarqueurs prédictifs. C’est le cas de certaines protéines, dont la carence ou à l’inverse l’accroissement de la concentration augmentent la probabilité de contracter certains types de cancers. » La méthode est sortie des cliniques pour compléter l’arsenal d’autres disciplines, comme l’écotoxicologie.   « En ce qui concerne la question de l’intoxication des phoques, ce volet de la recherche reste encore à un niveau préliminaire mais se révèle prometteur. Des collègues allemands ont par exemple mis en relation certains éléments-traces avec une variation de la sécrétion de l’interleukine 10, une cytokine anti-inflammatoire, un processus qui perturbe la réponse immunitaire. Nous devons encore développer plus en avant l’identification de ces biomarqueurs et la compréhension des mécanismes impliqués» 

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