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La microassurance maladie en RDC

24/08/2016

vaccination Afrique(c)TufahamuDans les années 1980, la Banque mondiale lance une nouvelle stratégie de financement de la santé dans les pays d’Afrique subsaharienne. C’est la fin de la gratuité des soins financée par les Etats. Le postulat est alors le suivant : les ménages pourront faire face à ces nouvelles dépenses. L’argent collecté sera alloué à l’amélioration de la qualité des soins et la nouvelle tarification ne sera pas de nature à décourager le recours aux soins primaires. Depuis, le bilan prouve que la situation a été très mal évaluée au départ. Cela semble pourtant évident : comment une population qui ne travaille pas et qui n’a donc pas de revenus fixes à part entière, pourrait-elle assumer de telles charges ? (1) Les proportions sont à cet égard édifiantes comme le rappelle le Professeur Joseph Manzambi : « Dans les pays occidentaux comme la Belgique, c’est la majorité qui travaille qui participe à un système de santé qui va bénéficier également à ceux qui ne travaillent pas. C’est donc 90% environ de la population qui sont solidaires de ceux qui sont précarisés. Au Congo, c’est l’inverse. Seuls 10% environ de la population travaillent et devraient donc soutenir les 90% d’inactifs. » L’asymétrie ne s’arrête pas là. En effet, dans les sociétés européennes, le salariat reste le modèle dominant ce qui induit une certaine stabilité permettant de pérenniser le modèle de la protection sociale. Or, là encore, rien de tel en RDC puisque la majorité des actifs évolue dans le secteur informel. Les emplois fixes sont surtout constitués dans le cadre de la fonction publique où le salaire mensuel de base est la plupart du temps inférieur à 100 USD. Rien d’étonnant par conséquent au fait que « 82% de la population déclarent ne pas être en mesure de prendre en charge leurs soins de santé et qu’en parallèle on ait noté une baisse du taux d’utilisation des services de santé tombé à 15% en 2006 ». Ce dernier constat témoigne d’une part des difficultés matérielles rencontrées par les patients, et d’autre part de l’insuffisance de l’offre de soins proposée. En effet, comme le souligne le Pr. Manzambi dans son étude, le gouvernement congolais s’est lancé dans une politique très ambitieuse consistant à ériger des méga-hôpitaux à Kinshasa dont les coûts de fonctionnement seraient proches des deux millions de dollars mensuels. Un chiffre astronomique au regard de la situation sur le terrain et qui ne manque pas de soulever un certain nombre de critiques : « A ce jour, le fonctionnement de ces méga-structures n’est pas amorti. Quand un malade se rend à l’hôpital, il ne s’attend pas à être accueilli forcément dans un très grand bâtiment. Par contre, il doit avoir les moyens de se faire soigner.Donc construire des mégas-hôpitaux que les gens ne fréquenteront pas soit par manque de moyens, soit parce que les soins prodigués ne seront pas de qualité est un non-sens. De plus, si les médecins sont trop nombreux dans ces mégas-structures, cela implique également qu’ailleurs il y aura pénurie. Kinshasa est une grande ville. Nous avons besoin de grands hôpitaux mais pour qu’ils fonctionnent correctement, ils doivent être financés suffisamment. » Or, dans les pays pauvres, les taux de financement des hôpitaux sont très faibles. Il faut donc que les ménages aient un pouvoir d’achat assez élevé pour compenser la faiblesse des investissements publics. Les critiques évoquées plus haut et soulevées également en 2012 lors de la soumission de l’article intitulé « Le couplage microcrédit/microassurance santé/offre de soins peut améliorer l’accessibilité aux soins de santé en milieu urbain africain. Résultats d’une expérience menée dans la zone de santé de Bandalungwaà Kinshasa, Congo », par le Pr. Manzambi kuwekita J et al., 2015, in Santé et Médecine Tropicales 25 (4), Octobre-Novembre-Décembre 2015, p38-385, se confirment et donnent raison au Pr. Manzambi Kuwekita J : depuis fin juin 2016, le méga hôpital du Centenaire, inauguré il y a moins de deux ans, pourrait tomber en faillite si rien n’est fait car tant le personnel médical, paramédical qu’administratif, vient de déclencher une grève générale et réclament un meilleur statut et des droits sociaux que personnes ne peut leur accorder. Bien que l’hôpital soit public, il fonctionne dans un régime de partenariat « public-privé ». Pour financer son fonctionnement, le partenaire privé indien a préféré contracter avec le personnel en passant par des agences de placement, alors « employeurs » de ce personnel. Cela évite ainsi à l’investisseur indien d’endosser la lourde charge fiscale et contraintes tant légales que réglementaires en matière de code du travail. Sauf que cette situation place le personnel de l’hôpital dans un état de précarité qui met le patient en danger… 

Afrique microcredit santeCet enjeu a été bien compris des autorités congolaises qui ont fini par lancer le PNPS (Programme National d’Appui à la Protection Sociale) qui vise à étendre la couverture de la protection sociale, améliorer la qualité des prestations sociales, mettre en place et gérer un système de couverture universellede soins de santé, concourir aux travaux de réforme, et rendre effective la protection sociale pour tous. Ceci s’inscrit dans une tendance politique de fond de lutte contre la pauvreté. 

C’est dans ce contexte encourageant que le Professeur Manzambi a pu élaborer son modèle ainsi que l’expérimenter dans une des 516 zones de santé que compte la RDC, à savoir la zone de santé de Bandalungwa, à Kinshasa. Poursuivre la planification et la gestion des structures de santé et de leur couverture sans tenir compte des résultats de cette expérience basée sur le modèle ici évoqué, conduirait à l’éternel et malheureux constat fait sur le système de santé congolais : offre des soins de mauvaise qualité, structures de santé vétustes et/ou sous-équipées, personnel démotivé et pas toujours bien formé, sous-utilisation quasi généralisée des services, pauvreté de la population…

Le modèle Manzambi passe par l’augmentation du pouvoir d’achat

Ce modèle répond à la question suivante : Comment mettre en place des soins de santé de qualité et accessibles à tous alors que la population vit dans une grande pauvreté ? Deux voies peuvent être suivies. La première consiste à actionner le levier de l’impôt afin d’assurer à l’Etat des rentrées fiscales lui permettant ensuite de financer des secteurs comme la santé. Mais pour cela il faudrait d’une part que la population soit imposable, ce qui suppose d’avoir une majorité d’actifs sur le marché du travail, et d’autre part que les mentalités évoluent face à l’impôt. La deuxième voie est celle préconisée par le Pr. Manzambi : il faut augmenter le pouvoir d’achat des Congolais. Puisque la majorité d’entre eux a une activité informelle, il faut lui permettre de la développer, et cela passe par le micro-crédit. Cependant, la délivrance de prêts ne peut se faire qu’à certaines conditions si l’on veut pouvoir atteindre l’objectif de la « santé pour tous ». Il faut que ce micro-crédit soit assorti de deux obligations : la constitution d’une épargne et la cotisation à une micro-assurance santé. Ces deux conditions réunies, il devient alors possible pour les ménages d’accéder à des soins de santé de qualité et d’améliorer leurs conditions de vie. Par ailleurs, il faut qu’en bout de chaîne, la structure de santé qui accueille les bénéficiaires du système soit contrôlée entièrement par le dispositif de couplage micro-crédit / micro-assurance mis en place. On évitera de cette manière que le système soit dévoyé car conduit par des personnes qui ne partageraient pas les mêmes objectifs et qui seraient mues uniquement par leurs intérêts personnels.« Si la micro-assurance n’a pas de contrôle sur les structures de soins de santé, dans ces grandes villes africaines, vu le niveau de corruption et certaines difficultés d’ordre politique, alors ces structures-là verront leurs bénéfices partir dans les poches de leurs propriétaires. » Autant d’abus qui peuvent être évités si le modèle Manzambi est appliqué puisque la cotisation obligatoire à la micro-assurance santé va déboucher sur un financement intégral du système de santé, dont « le paiement des salaires décents au personnel et l’approvisionnement en médicaments essentiels de qualité ». Cette situation ressemble très étrangement à celle que traverse le méga-hôpital du Centenaire de Kinshasa…

Le système Manzambi crée au bout du compte un cercle vertueux et permet de remettre de l’ordre dans des mesures de lutte contre la pauvreté déjà connues mais souvent mal appliquées. Il y a en effet une tendance dans les pays d’Afrique subsaharienne à vouloir mettre la charrue avant les bœufs. Il faudrait systématiquement recourir dans ces territoires aux recettes des Etats industrialisés sans avoir au préalable réunis les ingrédients nécessaires pour le faire. Ce travers, le Pr. Manzambi le dénonce sans détours : « J’attire l’attention des Etats africains sur le point suivant : rendre la cotisation à l’assurance-maladie obligatoire ne marchera pas tant qu’on n’aura pas amélioré le pouvoir d’achat des populations. Ne pas le faire revient à de l’escroquerie car ce sont les organisateurs de ces assurances qui vont alors profiter. » Autrement dit, les solutions doivent être adaptées au terrain. Il n’est ni possible ni réaliste de mettre en place un système de mutualisation obligatoire lorsque les besoins primaires ne sont pas remplis au préalable. Il est même carrément absurde de demander à une personne de se séparer d’une partie de ses maigres revenus pour parer à un problème de santé futur et incertain, et ce faisant de la priver de ressources immédiates pour manger. Cela ne peut entraîner au passage qu’un impact négatif sur la santé du fait de carences alimentaires accrues et de privations de toutes sortes. Le modèle Manzambi au contraire prend en compte tous ces paramètres et propose un dispositif adapté au contexte particulier des pays du tiers monde et du Congo en particulier. « L’accès aux soins de santé primaires est impossible si on n’a pas augmenté le pouvoir d’achat des populations via le micro-crédit puisque le taux d’emploi est trop faible pour pouvoir jouer sur la masse salariale. Grâce au micro-crédit, les bénéficiaires vont d’une part augmenter leur pouvoir d’achat et d’autre part se constituer une épargne. A partir du moment où les moyens matériels sont là, il devient possible de cotiser à l’assurance maladie. L’épargne va aider à ce que les gens puissent se nourrir, se vêtir, envoyer les enfants à l’école, subvenir à leurs besoins. Si les besoins primaires sont remplis, les gens tomberont de toute façon moins malades. La logique du système de l’assurance maladie est de faire en sorte qu’il y ait de moins en moins de malades pour que l’argent soit là pour les plus faibles et les plus démunis. »

Un modèle à l’attention des micro-entrepreneurs

Qui dit micro-crédit dit micro-entrepreneurs. C’est à ce public que s’adresse le modèle Manzambi. Il faut que grâce au prêt obtenu, ils puissent développer leur activité et augmenter leurs bénéfices. C’est là un programme ambitieux car les micro-entrepreneurs bien que plus nombreux que les salariés au Congo sont confrontés à des difficultés et à des injustices structurelles, profondément ancrées dans la société et dont il est difficile de s’extraire. En effet, il faut rappeler que dans un pays où le niveau de protection sociale est déjà faible, les travailleurs du secteur informel, eux, n’ont droit à rien. Ce n’est pourtant pas faute de payer des taxes. Seulement voilà, celles-ci ne retournent pas à l’Etat, ou en tout cas pas au pouvoir central. Il est vrai qu’officiellement, seuls les salariés ont une activité déclarée, soumise à l’impôt. Mais dans les faits, les micro-entrepreneurs qui travaillent surtout sur les marchés sont tenus de s’acquitter d’une sorte de redevance pour pouvoir vendre leurs produits. Or, celle-ci est versée à l’administration communale sans qu’aucun reçu ou preuve de paiement ne soit délivré au vendeur en retour. Par conséquent, il s’agit d’une fiscalité souterraine qui n’est pas redistribuée par la suite mais qui sert plutôt l’enrichissement personnel de barons locaux œuvrant au sein des communes. De même, une fois cette « taxe » payée, le micro-entrepreneur doit encore réserver une partie de ses recettes du jour aux administrateurs des marchés, souvent des femmes. Refuser de le faire, revient à être expulsé du marché et à subir une mort économique. 

La mise en pratique du modèle 

Ce qui précède montre bien l’importance qu’il y a à permettre à la population des micro-entrepreneurs d’atteindre une réelle autonomie de fonctionnement pour pouvoir parvenir à développer un vrai système de protection sociale tel qu’il est conceptualisé au travers du modèle Manzambi. C’est pourquoi, au-delà de la théorie, l’expérience a été menée sur le terrain, dans la zone de santé de Bandalungwa(2), de 2008 à 2011, trois années au bout desquelles les participants à l’étude ont dû rendre un questionnaire articulé autour de deux questions ouvertes : la dernière fois qu’un membre de votre ménage est tombé malade, étiez-vous en droit de bénéficier de la couverture de l’assurance-maladie ? Le pouvoir d’achat amélioré par le micro-crédit vous a-t-il permis de constituer une épargne obligatoire ? Il s’agissait, au travers de cette étude, d’identifier les conditions nécessaires pour que les populations habitant cette zone parviennent à se constituer une épargne conséquente et à cotiser régulièrement sur base d’un dollar US à la micro-assurance santé. Par ailleurs, l’étude visait à vérifier la pertinence du couplage entre la constitution obligatoire d’une épargne et l’amélioration du pouvoir d’achat d’une part, et celle du couplage entre la cotisation obligatoire à la micro-assurance santé et l’amélioration de l’accessibilité aux soins de santé de qualité d’autre part.

Soixante-quatre micro-entrepreneurs ont constitué l’échantillon, soit la totalité de ceux qui avaient obtenu un micro-crédit du PNPS. Le premier prêt accordé était compris dans une fourchette de 80 à 100$ US, ce qui donnait une cotisation d’environ 0.50$ US à la micro-assurance santé. Cela paraît dérisoire comme montant mais, « cela montre que toute participation au panier, aussi modeste soit-elle, est obligatoire. Lorsque le système est considéré comme gratuit, il y a aura surutilisation et des abus ». Pour un financement compris entre 1000$ et 1500$ US, la cotisation atteindra les 30$ par ménage et par mois. « Lorsque les revenus sont de l’ordre de 200 à 300$, une cotisation de 30$ ne pèse plus et n’entrave pas le pouvoir d’achat. Pour que le système soit viable, il faudrait que la participation mensuelle des ménages à la micro-assurance santé soit de plus ou moins 20$. » Dans tous les cas, l’offre de micro-crédit doit tenir compte de l’histoire de chaque candidat et donner la priorité à ceux qui se trouvent dans de bonnes conditions, qui ne sont pas déjà endettés par exemple. Il est indispensable dans ce système de vases communicants de préserver l’équilibre. « Chaque mois, le système compte de nouveaux entrants qui vont contribuer à leur tour. Pour ne pas affaiblir le système, on s’appuie sur un noyau dur de participants solides. Ainsi, ceux qui ont apuré leur première dette se voient accorder un nouveau crédit plus élevé. Ceux-ci sont majoritaires et les nouveaux entrants sont minoritaires. Cela permet alors au système de tenir. »

L’augmentation de la cotisation comme l’augmentation du montant emprunté se font sur base de l’augmentation des revenus. Par conséquent, le micro-crédit est bien l’élément déclencheur du système mais sa pérennité repose sur le dynamisme économique de l’activité même du micro-entrepreneur. Sans cela, le mécanisme devient pervers et ne fait alors rien d’autre que de soutenir la pauvreté en créant du surendettement. La prudence et finalement le bon sens sont de mise. Il faut parvenir à ce que le niveau d’épargne s’aligne sur le capital emprunté afin que celui-ci soit reconstitué. « Quand la personne qui avait emprunté 300$ finit de les rembourser, il faudrait idéalement qu’elle ait réussi à épargner la même somme, soit 300$ » Cela reste une gageure dans un climat économique très précaire. D’où la nécessité d’être attentif à bien comptabiliser les charges auxquelles sera confronté le micro-entrepreneur. « Lorsqu’on donne à quelqu’un 300$, la personne investit cet argent dans un commerce. Il faut alors examiner les recettes journalières engendrées par cette activité. A combien s’élèvent-elles ? Imaginons que ces recettes atteignent 15$ par jour. Dans ces 15$, on détermine un montant pour le quotidien, un montant pour l’épargne, un montant pour l’assurance-maladie, un montant pour les remboursements et on doit prévoir un imprévu. » (3)

A partir du moment où le système de santé s’auto-finance et est géré par la structure qui le finance, autrement dit l’assurance maladie, alors il devient possible de garantir l’efficacité et la qualité des soins. « On arrive alors à une structure qui, grâce aux cotisations, peut proposer des médicaments de qualité, non-expirés, ainsi qu’embaucher du personnel bien payé qui aura alors à cœur de faire correctement son travail. L’accès aux soins dans ces conditions est optimal. » Il ne s’agit pas là d’une question anecdotique (4) mais bien d’un enjeu crucial au sein d’une société hyper corrompue et dans laquelle les dysfonctionnements sont chroniques. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que le lien de confiance entre le patient et le médecin soit loin d’être une réalité sur place. Il était de ce point de vue-là essentiel, pour que l’expérience menée par le Pr. Manzambi et ses équipes soit un succès, de construire et de gérer d’un bout à l’autre un centre médical associé à l’étude menée. C’est pourquoi le Centre Médical Mélissa a vu le jour. Ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il dispensait les consultations et les interventions couvertes par la micro-assurance, à savoir les consultations de médecine préventive, de médecine générale ainsi que les consultations spécialisées (dermatologie, dentisterie, ophtalmologie), les accouchements, les actes de petite et moyenne chirurgie, les hospitalisations d’une semaine, les soins infirmiers. En outre, une pharmacie interne était en activité et délivrait la grande majorité des médicaments essentiels recommandés par l’Organisation mondiale de la santé et adoptés par la RDC. Côté personnel, les exigences étaient élevées : « Il suffisait qu’un patient de notre centre se plaigne, pour que l’employé perde son poste. Le message ainsi véhiculé était clair : la satisfaction du patient permet de garder son travail. Donc autant le faire bien ».

Des résultats concluants dans l’ensemble

Les résultats obtenus à la fin de l’étude ont été tout à fait positifs puisque le modèle Manzambi se trouve validé par les réponses des participants. En effet, 78.1% des micro-entrepreneurs ont amélioré leurs conditions de vie, 50% d’entre eux sont parvenus à constituer une épargne et 40.6% ont cotisé régulièrement à hauteur d’un dollar US à la micro-assurance. Parmi ces derniers, 72% ont amélioré leur accès aux soins. Par ailleurs, 69% des emprunteurs ont déclaré avoir augmenté leur pouvoir d’achat et la majorité d’entre eux (82%) ont réalisé du bénéfice. Le lien entre épargne et cotisation est également démontré puisque ceux qui ont épargné ont contribué 24.7 fois plus à l’assurance-maladie que les autres. Concernant l’accès aux soins de qualité, il est à relever que douze ménages soit 52% de l’échantillon ont eu recours systématiquement au Centre Melissa, et cela pour les raisons suivantes : le bon accueil réservé aux patients, un délai d’attente inférieur à une heure, un personnel à l’écoute, des médicaments prescrits disponibles à la pharmacie interne, un coût des soins abordable, la propreté des lieux et enfin une guérison rapide. 

Ces résultats tout à fait encourageants doivent cependant être nuancés par le fait qu’ils reposent sur un échantillon vraiment restreint et qu’ils ne démontrent pas que les cotisations à la micro-assurance santé ont été payées uniquement grâce à l’épargne constituée. 

De plus, l’expérience a tenu plus ou moins six ans selon le mécanisme préconisé par le modèle Manzambi avant de décliner car « l’approche scientifique n’a plus été la même et nous sommes tombés dans la routine avec des animateurs qui ne partageaient pas la même philosophie, la même ambition de sortir de la pauvreté ». La structure a même été délocalisée et installée en dehors de la zone de santé. Il a fallu alors trouver d’autres utilisateurs

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« Ceci n’est pas dans l’esprit des soins de santé primaires tel que décrit par l’OMS. Il faut normalement approcher l’utilisateur de la structure qu’on va exploiter. Il faut écourter les distances pour que les gens puissent accéder facilement à la structure. Dès lors que ce n’est plus le cas, ce n’est plus la même logique et on sort du système. » 

Cette issue démontre bien qu’au-delà du modèle, et ainsi que le souligne le Pr. Manzambi, ce sont les hommes et les femmes qui font la différence. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on. 

(1) En 2009, selon les propres chiffres du Ministère de la Santé Publique congolais, la part des ménages dans le financement de la santé s’élevait à 43%, loin devant le gouvernement central (13%) et les ONG internationales (11 à 13%). Voir « L’étude des conditions de vie et d’accessibilité aux soins de santé de qualité des populations en situation de précarité, dans la zone de santé de Bandalungwa à Kinshasa (Congo) », par le Pr. Manzambi Kuwekita J, et al., 2008, in Journal d’Epidémiologie et de Santé Publique, JESP N°12, décembre 2013

(2) Plus précisément dans les quartiers Makele et Lumumba dans la commune de Bandalungwa
(3) A titre d’exemple, avec 1000 francs congolais (environ 0.80$ US), et pour un ménage de 6 à 7 personnes, « on peut acheter de la farine, du manioc, du poisson et un peu de légumes ».

(4) « Nous avons déjà vu des cas où une pharmacie d’un hôpital, ne fournissait aucun médicament pendant 6 mois alors qu’il y avait eu des malades. Des audits réalisés ont permis de constater que des médicaments circulaient dans un réseau parallèle. »


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