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La microassurance maladie en RDC
24/08/2016

Un modèle à l’attention des micro-entrepreneurs

Qui dit micro-crédit dit micro-entrepreneurs. C’est à ce public que s’adresse le modèle Manzambi. Il faut que grâce au prêt obtenu, ils puissent développer leur activité et augmenter leurs bénéfices. C’est là un programme ambitieux car les micro-entrepreneurs bien que plus nombreux que les salariés au Congo sont confrontés à des difficultés et à des injustices structurelles, profondément ancrées dans la société et dont il est difficile de s’extraire. En effet, il faut rappeler que dans un pays où le niveau de protection sociale est déjà faible, les travailleurs du secteur informel, eux, n’ont droit à rien. Ce n’est pourtant pas faute de payer des taxes. Seulement voilà, celles-ci ne retournent pas à l’Etat, ou en tout cas pas au pouvoir central. Il est vrai qu’officiellement, seuls les salariés ont une activité déclarée, soumise à l’impôt. Mais dans les faits, les micro-entrepreneurs qui travaillent surtout sur les marchés sont tenus de s’acquitter d’une sorte de redevance pour pouvoir vendre leurs produits. Or, celle-ci est versée à l’administration communale sans qu’aucun reçu ou preuve de paiement ne soit délivré au vendeur en retour. Par conséquent, il s’agit d’une fiscalité souterraine qui n’est pas redistribuée par la suite mais qui sert plutôt l’enrichissement personnel de barons locaux œuvrant au sein des communes. De même, une fois cette « taxe » payée, le micro-entrepreneur doit encore réserver une partie de ses recettes du jour aux administrateurs des marchés, souvent des femmes. Refuser de le faire, revient à être expulsé du marché et à subir une mort économique. 

La mise en pratique du modèle 

Ce qui précède montre bien l’importance qu’il y a à permettre à la population des micro-entrepreneurs d’atteindre une réelle autonomie de fonctionnement pour pouvoir parvenir à développer un vrai système de protection sociale tel qu’il est conceptualisé au travers du modèle Manzambi. C’est pourquoi, au-delà de la théorie, l’expérience a été menée sur le terrain, dans la zone de santé de Bandalungwa(2), de 2008 à 2011, trois années au bout desquelles les participants à l’étude ont dû rendre un questionnaire articulé autour de deux questions ouvertes : la dernière fois qu’un membre de votre ménage est tombé malade, étiez-vous en droit de bénéficier de la couverture de l’assurance-maladie ? Le pouvoir d’achat amélioré par le micro-crédit vous a-t-il permis de constituer une épargne obligatoire ? Il s’agissait, au travers de cette étude, d’identifier les conditions nécessaires pour que les populations habitant cette zone parviennent à se constituer une épargne conséquente et à cotiser régulièrement sur base d’un dollar US à la micro-assurance santé. Par ailleurs, l’étude visait à vérifier la pertinence du couplage entre la constitution obligatoire d’une épargne et l’amélioration du pouvoir d’achat d’une part, et celle du couplage entre la cotisation obligatoire à la micro-assurance santé et l’amélioration de l’accessibilité aux soins de santé de qualité d’autre part.

Soixante-quatre micro-entrepreneurs ont constitué l’échantillon, soit la totalité de ceux qui avaient obtenu un micro-crédit du PNPS. Le premier prêt accordé était compris dans une fourchette de 80 à 100$ US, ce qui donnait une cotisation d’environ 0.50$ US à la micro-assurance santé. Cela paraît dérisoire comme montant mais, « cela montre que toute participation au panier, aussi modeste soit-elle, est obligatoire. Lorsque le système est considéré comme gratuit, il y a aura surutilisation et des abus ». Pour un financement compris entre 1000$ et 1500$ US, la cotisation atteindra les 30$ par ménage et par mois. « Lorsque les revenus sont de l’ordre de 200 à 300$, une cotisation de 30$ ne pèse plus et n’entrave pas le pouvoir d’achat. Pour que le système soit viable, il faudrait que la participation mensuelle des ménages à la micro-assurance santé soit de plus ou moins 20$. » Dans tous les cas, l’offre de micro-crédit doit tenir compte de l’histoire de chaque candidat et donner la priorité à ceux qui se trouvent dans de bonnes conditions, qui ne sont pas déjà endettés par exemple. Il est indispensable dans ce système de vases communicants de préserver l’équilibre. « Chaque mois, le système compte de nouveaux entrants qui vont contribuer à leur tour. Pour ne pas affaiblir le système, on s’appuie sur un noyau dur de participants solides. Ainsi, ceux qui ont apuré leur première dette se voient accorder un nouveau crédit plus élevé. Ceux-ci sont majoritaires et les nouveaux entrants sont minoritaires. Cela permet alors au système de tenir. »

L’augmentation de la cotisation comme l’augmentation du montant emprunté se font sur base de l’augmentation des revenus. Par conséquent, le micro-crédit est bien l’élément déclencheur du système mais sa pérennité repose sur le dynamisme économique de l’activité même du micro-entrepreneur. Sans cela, le mécanisme devient pervers et ne fait alors rien d’autre que de soutenir la pauvreté en créant du surendettement. La prudence et finalement le bon sens sont de mise. Il faut parvenir à ce que le niveau d’épargne s’aligne sur le capital emprunté afin que celui-ci soit reconstitué. « Quand la personne qui avait emprunté 300$ finit de les rembourser, il faudrait idéalement qu’elle ait réussi à épargner la même somme, soit 300$ » Cela reste une gageure dans un climat économique très précaire. D’où la nécessité d’être attentif à bien comptabiliser les charges auxquelles sera confronté le micro-entrepreneur. « Lorsqu’on donne à quelqu’un 300$, la personne investit cet argent dans un commerce. Il faut alors examiner les recettes journalières engendrées par cette activité. A combien s’élèvent-elles ? Imaginons que ces recettes atteignent 15$ par jour. Dans ces 15$, on détermine un montant pour le quotidien, un montant pour l’épargne, un montant pour l’assurance-maladie, un montant pour les remboursements et on doit prévoir un imprévu. » (3)

(2) Plus précisément dans les quartiers Makele et Lumumba dans la commune de Bandalungwa
(3) A titre d’exemple, avec 1000 francs congolais (environ 0.80$ US), et pour un ménage de 6 à 7 personnes, « on peut acheter de la farine, du manioc, du poisson et un peu de légumes ».

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