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La microassurance maladie en RDC
24/08/2016

Afrique microcredit santeCet enjeu a été bien compris des autorités congolaises qui ont fini par lancer le PNPS (Programme National d’Appui à la Protection Sociale) qui vise à étendre la couverture de la protection sociale, améliorer la qualité des prestations sociales, mettre en place et gérer un système de couverture universellede soins de santé, concourir aux travaux de réforme, et rendre effective la protection sociale pour tous. Ceci s’inscrit dans une tendance politique de fond de lutte contre la pauvreté. 

C’est dans ce contexte encourageant que le Professeur Manzambi a pu élaborer son modèle ainsi que l’expérimenter dans une des 516 zones de santé que compte la RDC, à savoir la zone de santé de Bandalungwa, à Kinshasa. Poursuivre la planification et la gestion des structures de santé et de leur couverture sans tenir compte des résultats de cette expérience basée sur le modèle ici évoqué, conduirait à l’éternel et malheureux constat fait sur le système de santé congolais : offre des soins de mauvaise qualité, structures de santé vétustes et/ou sous-équipées, personnel démotivé et pas toujours bien formé, sous-utilisation quasi généralisée des services, pauvreté de la population…

Le modèle Manzambi passe par l’augmentation du pouvoir d’achat

Ce modèle répond à la question suivante : Comment mettre en place des soins de santé de qualité et accessibles à tous alors que la population vit dans une grande pauvreté ? Deux voies peuvent être suivies. La première consiste à actionner le levier de l’impôt afin d’assurer à l’Etat des rentrées fiscales lui permettant ensuite de financer des secteurs comme la santé. Mais pour cela il faudrait d’une part que la population soit imposable, ce qui suppose d’avoir une majorité d’actifs sur le marché du travail, et d’autre part que les mentalités évoluent face à l’impôt. La deuxième voie est celle préconisée par le Pr. Manzambi : il faut augmenter le pouvoir d’achat des Congolais. Puisque la majorité d’entre eux a une activité informelle, il faut lui permettre de la développer, et cela passe par le micro-crédit. Cependant, la délivrance de prêts ne peut se faire qu’à certaines conditions si l’on veut pouvoir atteindre l’objectif de la « santé pour tous ». Il faut que ce micro-crédit soit assorti de deux obligations : la constitution d’une épargne et la cotisation à une micro-assurance santé. Ces deux conditions réunies, il devient alors possible pour les ménages d’accéder à des soins de santé de qualité et d’améliorer leurs conditions de vie. Par ailleurs, il faut qu’en bout de chaîne, la structure de santé qui accueille les bénéficiaires du système soit contrôlée entièrement par le dispositif de couplage micro-crédit / micro-assurance mis en place. On évitera de cette manière que le système soit dévoyé car conduit par des personnes qui ne partageraient pas les mêmes objectifs et qui seraient mues uniquement par leurs intérêts personnels.« Si la micro-assurance n’a pas de contrôle sur les structures de soins de santé, dans ces grandes villes africaines, vu le niveau de corruption et certaines difficultés d’ordre politique, alors ces structures-là verront leurs bénéfices partir dans les poches de leurs propriétaires. » Autant d’abus qui peuvent être évités si le modèle Manzambi est appliqué puisque la cotisation obligatoire à la micro-assurance santé va déboucher sur un financement intégral du système de santé, dont « le paiement des salaires décents au personnel et l’approvisionnement en médicaments essentiels de qualité ». Cette situation ressemble très étrangement à celle que traverse le méga-hôpital du Centenaire de Kinshasa…

Le système Manzambi crée au bout du compte un cercle vertueux et permet de remettre de l’ordre dans des mesures de lutte contre la pauvreté déjà connues mais souvent mal appliquées. Il y a en effet une tendance dans les pays d’Afrique subsaharienne à vouloir mettre la charrue avant les bœufs. Il faudrait systématiquement recourir dans ces territoires aux recettes des Etats industrialisés sans avoir au préalable réunis les ingrédients nécessaires pour le faire. Ce travers, le Pr. Manzambi le dénonce sans détours : « J’attire l’attention des Etats africains sur le point suivant : rendre la cotisation à l’assurance-maladie obligatoire ne marchera pas tant qu’on n’aura pas amélioré le pouvoir d’achat des populations. Ne pas le faire revient à de l’escroquerie car ce sont les organisateurs de ces assurances qui vont alors profiter. » Autrement dit, les solutions doivent être adaptées au terrain. Il n’est ni possible ni réaliste de mettre en place un système de mutualisation obligatoire lorsque les besoins primaires ne sont pas remplis au préalable. Il est même carrément absurde de demander à une personne de se séparer d’une partie de ses maigres revenus pour parer à un problème de santé futur et incertain, et ce faisant de la priver de ressources immédiates pour manger. Cela ne peut entraîner au passage qu’un impact négatif sur la santé du fait de carences alimentaires accrues et de privations de toutes sortes. Le modèle Manzambi au contraire prend en compte tous ces paramètres et propose un dispositif adapté au contexte particulier des pays du tiers monde et du Congo en particulier. « L’accès aux soins de santé primaires est impossible si on n’a pas augmenté le pouvoir d’achat des populations via le micro-crédit puisque le taux d’emploi est trop faible pour pouvoir jouer sur la masse salariale. Grâce au micro-crédit, les bénéficiaires vont d’une part augmenter leur pouvoir d’achat et d’autre part se constituer une épargne. A partir du moment où les moyens matériels sont là, il devient possible de cotiser à l’assurance maladie. L’épargne va aider à ce que les gens puissent se nourrir, se vêtir, envoyer les enfants à l’école, subvenir à leurs besoins. Si les besoins primaires sont remplis, les gens tomberont de toute façon moins malades. La logique du système de l’assurance maladie est de faire en sorte qu’il y ait de moins en moins de malades pour que l’argent soit là pour les plus faibles et les plus démunis. »

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