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Asthme : bons et mauvais éosinophiles

23/08/2016

On connaissait les éosinophiles inflammatoires, qui contribuent à l’exagération de la réponse asthmatique. Mais on ignorait l’existence d’un autre type d’éosinophiles qui, à la grande surprise des chercheurs du GIGA de l’Université de Liège, s’avèrent jouer un rôle protecteur et bénéfique. Ils présentent un rôle régulateur et protecteur en maintenant l’équilibre du système immunitaire et en évitant que celui-ci ne réponde de manière aberrante, telle qu'observée dans l'asthme ou d’autres réactions allergiques. Leur étonnante découverte est publiée dans The Journal of Clinical Investigation (1).

Lors de réactions allergiques telles que l’asthme, notre système immunitaire ne fonctionne pas correctement et répond de manière aberrante aux allergènes inoffensifs présents dans l'environnement (pollens, acariens, etc.). Chez l'individu asthmatique, les cellules éosinophiles – des granulocytes qui émanent de la moelle osseuse et qui circulent par voie sanguine – affluent dans le poumon et participent aux manifestations pathologiques associées à la réaction asthmatique. Dans un article publié dans The Journal of Clinical Investigation, des chercheurs de l’Université de Liège attestent pour la première fois l’existence d’un sous-groupe d’éosinophiles, dits résidents – logés dans le poumon des individus sains – qui, au contraire des éosinophiles inflammatoires, présentent un rôle régulateur et protecteur en maintenant l’équilibre du système immunitaire et en évitant que celui-ci ne réponde de manière aberrante, telle qu'observé dans l'asthme. La découverte de ces éosinophiles spécifiques offre des perspectives intéressantes pour le traitement mais surtout la prévention de l’asthme.

Asthme enfant

Dirigée par le Pr Fabrice Bureau et le Dr Thomas Marichal, chercheurs au GIGA de l’Université de Liège, l’équipe scientifique a découvert ce sous-type d’éosinophiles d'abord chez la souris, et ensuite chez l’homme. Chez la souris, le noyau des éosinophiles résidents apparaît en forme de bouée, ce qui les distingue aisément des autres éosinophiles inflammatoires. Chez l’homme, par contre, tous les éosinophiles sont morphologiquement identiques, ce qui pourrait expliquer pourquoi les deux sous-types n'avaient pas été révélés jusque-là. Les chercheurs ont également mis en évidence, chez la souris comme chez l’homme, que les éosinophiles résidents portent à leur surface un marqueur identique, la protéine CD62L, ce qui permet de les différencier des éosinophiles inflammatoires.

eosinophile resident inflammatoirePoursuivant leurs investigations, les chercheurs ont observé que chez des souris rendues déficientes en éosinophiles pulmonaires résidents, la réponse immunitaire de type "allergique" était fortement exacerbée après inhalation de faibles doses d’allergènes, ce qui suggère que ces éosinophiles spécifiques jouent un rôle effectif dans la prévention de la sensibilisation asthmatique, et donc dans la régulation de l’homéostasie immunitaire du poumon. Plus précisément, les éosinophiles résidents agissent tout en amont de la cascade inflammatoire en inhibant l’activation des cellules dendritiques. Dans le cas de l’asthme comme d’autres maladies inflammatoires caractérisées par une réponse aberrante du système immunitaire, les cellules dendritiques – véritables sentinelles du système d’immuno-surveillance – sont activées  et induisent un enchaînement d'événements qui aboutissent, in fine, à une inflammation exagérée et aux manifestations cliniques de la maladie, en partie dues à l'activation des éosinophiles inflammatoires. 

« Cette étude identifie pour la première fois un sous-type distinct d'éosinophiles pulmonaires non-inflammatoires chez les souris et les humains, qui semblent être capables d'empêcher le développement de réponses immunitaires aberrantes. Comme ces dérèglements du système immunitaire sont impliqués dans de nombreuses maladies telles que l'asthme, les allergies alimentaires, la maladie intestinale de Crohn ou encore les maladies auto-immunes, cette découverte fondamentale revêt un intérêt particulier pour parvenir à prévenir le développement de ces maladies », commente le Dr Thomas Marichal. 

« Les traitements asthmatiques récents par injection d’anticorps monoclonaux anti-Interleukine-5 ont une efficacité clinique prouvée, mais on ne comprenait pas pourquoi ils n’éradiquaient pas totalement les éosinophiles, dont la survie et la fonction dépendent de l'interleukine-5. A la lumière de notre étude, on comprend maintenant qu’ils épargnent en réalité les « bons » éosinophiles pulmonaires, résidents et régulateurs, qui eux dépendent moins de l'Interleukine-5, et c’est très bien ainsi ! » explique le Pr Fabrice Bureau. 

« A l’avenir, la question est de savoir comment privilégier, à partir de la moelle osseuse, la production d’éosinophiles résidents plutôt que les inflammatoires. En effet, en se donnant les moyens d’intervenir tout en haut de la cascade, nous disposerions sans doute de nouvelles armes pour la prévention des maladies inflammatoires comme les allergies ou les maladies auto-immunes », conclut le Pr Fabrice Bureau.

(1) "Lung-resident eosinophils represent a distinct regulatory eosinophil subset. Claire Mesnil et al. The Journal of Clinical Investigation


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