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La Cour pénale internationale respecte-t-elle les droits humains ?
24/06/2016

Consciente de ces manquements, la CPI a conclu en 2014 un accord avec la Belgique pour fixer les conditions d’une mise en liberté provisoire sur le territoire belge de personnes détenues en attente de décisions de la Cour. La Belgique était le premier État à accepter de recevoir des détenus dans ce cadre (le seul à ce jour), mais l’accord n’a encore donné lieu à aucune application pratique. « Il montre cependant que la CPI est consciente que le respect des droits humains est une obligation et qu’elle doit y consacrer les moyens nécessaires », note Christophe Deprez. 

Selon Christophe Deprez, les références au respect des droits humains sont davantage prononcées dans le cadre statutaire de la CPI que dans les tribunaux pénaux internationaux mis sur pieds pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda (4). « Le Statut de Rome trace, pour la première fois dans le contexte répressif international, une distinction entre les droits de toutes les personnes concernées par une enquête (article 55) et ceux des personnes proprement accusées (article 67) », écrit l’auteur. « Le Statut de Rome (article 85) garantit aussi une réparation à la personne détenue injustement, ce qui n’était pas prévu par les tribunaux pénaux internationaux. Mathieu Ngudjolo, acquitté en 2012 après quatre années de détention, a récemment déposé une demande d’indemnisation sur base de cet article. Un montant lui sera sans doute alloué ». 

Tendance eurocentriste    

Christophe Deprez relève que les juges s’inspirent beaucoup d’organes de protection des droits humains pour façonner leurs verdicts.  Ils privilégient cependant la Cour européenne des droits de l’homme comme source d’inspiration en matière de droits humains et sous-exploitent les travaux de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Une tendance étonnante pour une Cour qui n’a quasiment traité à ce jour que des cas concernant des ressortissants africains. « La prééminence européenne se vérifie de façon manifeste dans le contexte de la CPI. Les exemples sont pléthoriques où les juges fondent leur raisonnement sur de nombreux arrêts de la Cour de Strasbourg sans mentionner le moindre équivalent issu d’un autre système de protection, régional ou universel », écrit Christophe Deprez.  

LOGO CPILa CPI a pour vocation de juger les auteurs des crimes les plus graves… Faut-il vraiment s’échiner à garantir le respect de tous les droits humains des pires criminels ? « Les droits humains n’ont pas pour objectif d’empêcher ou freiner la répression des crimes, mais de mettre des balises pour qu’on n’aille pas au-delà d’une juste répression », souligne Christophe Deprez.« Ils sont une limite au pouvoir exercé sur les individus. Il ne servirait à rien d’avoir fixé ces limites si on pouvait les repousser quand elles sont utiles, il serait incohérent d’assouplir les exigences de respect de ces droits face aux crimes les plus graves. Poursuivre les gens dans l’excès serait entretenir le cycle de violence au lieu de pacifier les relations. L’équilibre sociétal exige une certaine réserve qui est permise par le respect des droits humains. La CPI semble être réceptive à ces balises. Il faut s’en réjouir, mais puisqu’il subsiste des points d’achoppement, il faut veiller à ce que la Cour se rapproche à l’avenir du respect total des normes qu’elle entend défendre ».

(4) Les tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda sont des organes subsidiaires du Conseil de sécurité de l’ONU, alors que la CPI est une organisation internationale indépendante. 

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