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Le Bisphénol-A, très peu serait encore trop?
15/06/2016

Nous devons nous interroger davantage sur les effets dommageables du BPA dans le cerveau fœtal, avec des conséquences possibles sur les troubles du neuro-développement comme l’autisme, dont la prévalence est en augmentation. La science, ici encore, nous renvoie aux dispositions règlementaires. En France, le BPA est désormais interdit dans tous les contenants alimentaires, sans distinction d’âge du consommateur. En Belgique, cette disposition ne vaut que pour les enfants de moins de 3 ans et ne concerne donc pas la femme enceinte et le fœtus qu’elle porte. Ne doit-on pas voir dans les travaux relatés ci-dessus et d’autres publications des justifications à appliquer à la femme enceinte et au fœtus le principe de précaution qui a prévalu chez le jeune enfant ? Mais, diront certains, peut-on extrapoler ces données chez le rat aux enjeux de la santé humaine ? 

L’être humain, réellement à risque ?

 On sait que le BPA est détectable dans les urines de la majorité de la population. Certaines études chez l’humain suggèrent un lien avec les modifications du timing de la puberté. De plus, il ne faut pas négliger l’effet « mélange » avec d’autres substances chimiques de notre environnement. Nous sommes exposés à des centaines de composés chimiques. L’effet « mélange » signifie que l’association de plusieurs substances à des doses faibles ou très faibles qui n’entraînent pas d’effet individuellement, devient active du fait de la combinaison de ces substances. Par ailleurs, Les facteurs environnementaux auxquels l’homme est confronté ne se limitent pas aux perturbateurs endocriniens. Ainsi, les variations quantitatives et qualitatives des apports nutritionnels pourraient avoir des conséquences qui sont d’autant plus sévères qu’ils sont combinés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Dans ce contexte, Delphine Franssen a montré que la combinaison d’un déficit nutritionnel prénatal et d’une exposition postnatale précoce au DES engendrait des effets additifs avec une perte totale de la réceptivité du système GnRH à la leptine. La préoccupation autour des effets combinés de « stresseurs » différents est la plus grande pour le fœtus et le nouveau-né, avec des conséquences pour la vie entière. Tant chez le rat que chez l’être humain, la vie fœtale et la période périnatale sont des moments-clé où l’organisme met en place les mécanismes d’adaptation à l’environnement. Si ces mécanismes sont perturbés au sein de l’organisme en développement, l’impact peut se faire ressentir toute la vie...

Biberon BPA FREE

Des enjeux limités au cerveau? 

Au-delà des effets du BPA sur le développement pubertaire, de nombreuses études suggèrent que l’exposition précoce au BPA pourrait être associée à un risque accru d’obésité, d’anomalies du neurodéveloppement ou de troubles du comportement. Ces pathologies présentent un coût élevé en termes de prise en charge. Il a été montré que l’exposition aux perturbateurs endocriniens en Europe contribue substantiellement à l’augmentation de l’incidence des maladies qui touchent le système reproducteur, le métabolisme et le neurodéveloppement avec un coût évalué à près de 160 milliards d’euros par an. 

De plus, il s’avère que les produits mis sur le marché pour remplacer le BPA pourraient également être des perturbateurs endocriniens. En avril dernier, l’EFSA (autorité européenne chargée de la sécurité alimentaire) a annoncé que le dossier du BPA allait être revu. On attend donc les conclusions avec impatience tout autant que les propositions que la Commission Européenne doit formuler depuis décembre 2013 pour les critères d’identification des perturbateurs endocriniens. Il est à espérer que la « puissance » ne fera pas partie des critères retenus. En effet, à la suite d’autres travaux, ceux menés dans le laboratoire liégeois soulignent l’inadéquation voire l’incongruité de la recherche de dose « seuil » de toxicité en fonction de la puissance d’un agent chimique comme le BPA.

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