Le Bisphénol-A, très peu serait encore trop?
La France l’a banni de tout contenant alimentaire. La Belgique s’est limitée à ceux destinés aux enfants de moins de 3 ans… Cet agent perturbateur endocrinien, c’est le Bisphénol-A (BPA) qui entre dans la composition de récipients en plastique, de cannettes et autres conserves mais aussi de ciments dentaires et de papiers thermiques. En 2015, l’EFSA (European Food Safety Authority) a fixé la dose quotidienne « de sécurité » pour la santé à 4 μg/kg. Une étude (1) de l’Université de Liège vient de démontrer que 2 semaines d’exposition de ratons nouveau-nés à une dose 160 fois plus faible que ce seuil suffisent à perturber un système essentiel de neurotransmission dans le cerveau. L’hypothalamus et l’hypophyse, localisés dans le cerveau, sont responsables du déclenchement de la puberté, chez l’humain comme chez le rat. Ce déclenchement est notamment influencé par différents facteurs environnementaux dont les perturbateurs endocriniens ( PE). Cette question est au centre des recherches du Pr Bourguignon, Professeur émérite d’endocrinologie pédiatrique au GIGA Neurosciences de l’Université de Liège, et du Professeur Anne-Simone Parent. Celle-ci dirige actuellement l’équipe au sein de laquelle les effets du diéthylstilbestrol (DES), un PE cancérigène banni depuis une quarantaine d’années mais qui reste une substance de référence, ont fait l’objet des premiers travaux de Delphine Franssen. Depuis une quinzaine d’années et toujours actuellement, la communauté scientifique attribue aux PEs la survenue précoce ou avancée de la puberté. Contre toute attente, il s’est avéré qu’une dose d’1 µg/kg/jour de DES retarde la puberté, à l’inverse d’une dose 10 fois supérieure qui l’avance. Ces effets contrastés du DES en fonction de la dose ont interpellé l’équipe et motivé celle-ci à étudier si de semblables effets opposés pouvaient concerner le BPA (Bisphénol-A). La dose ne fait pas le poison, elle fait l’oppositionChez plus de 95 % d’entre nous, on retrouve du BPA dans l’urine. Les nourrissons sont les plus exposés, aux alentours d’1 µg/kg/jour (microgrammes) alors que l’exposition moyenne d’un adulte est de 40 à 60 ng/kg/jour (nanogrammes, soit 10-9 gramme). Ces quantités représentent respectivement 50 et 2 fois plus que la dose très faible de 25 ng/kg/jour administrée aux ratons dans l’étude qui vient d’être publiée. Jamais dose aussi faible n’a été étudiée jusque ici. Après exposition à des doses relativement élevées de 5 mg/kg/jour, les travaux confirment une avance du timing pubertaire. Le fait nouveau : un retard de puberté apparaît après la très faible dose de BPA. Ces observations posent la question de savoir quelle partie du système endocrinien est impliquée dans les perturbations du timing pubertaire. Le déclenchement de la puberté est précédé, dans l’hypothalamus, par des changements dans la sécrétion intermittente (pulsatile) de l’hormone cérébrale (GnRH ou gonadolibérine) qui commande les ovaires ou les testicules via l’hypophyse. Les travaux mettent en évidence que ces changements sont accélérés ou ralentis en fonction de la dose de BPA. Le cerveau est donc bien une cible du BPA. Mais par quel mécanisme ? Le timing pubertaire, une fenêtre sur les effets cérébraux du BPADelphine Franssen et l’équipe de chercheurs ont mis en évidence que l’exposition au BPA a un impact sur l’expression de l’ARN messager de gènes hypothalamiques impliqués dans la neurotransmission GABAergique. Le GABA est un neurotransmetteur qui joue un rôle essentiellement inhibiteur chez l’enfant, et peut contribuer au frein qui empêche la puberté de démarrer dans le cerveau. L’activité du GABA s’est avérée accrue par la faible dose de BPA et réduite par la forte dose. Ce constat a amené l ‘équipe liégeoise à interpeller celle de Daniel Zalko à Toulouse qui avait exposé des souris en période périnatale à des quantités similaires de BPA. Ces chercheurs retrouvent au niveau de l’ensemble du cerveau des effets analogues à ceux observés à Liège dans l’hypothalamus. Dans le cerveau du fœtus, le GABA joue un rôle stimulant qui est sans doute crucial pour son développement et son fonctionnement ultérieur. (1) Delayed neuroendocrine sexual maturation in female rats after a very low dose of Bisphenol A through altered GABAergic neurotransmission and opposing effects of a high dose, Franssen Delphine et al. Endocrinology 0013-7227, 2016. |
|
||||||||||||||||||
© 2007 ULi�ge
|
||