Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Mer du Nord : importantes émissions de méthane
14/06/2016

Les études sur le méthane visent donc à articuler ce bilan avec les sources et les puits identifiés, pour toujours mieux discerner les causes à cette conséquence connue. Le tableau ressemble presqu’à un bilan comptable, intégrant des entrées, les sources naturelles et anthropiques, et des sorties, les puits, qui consomment le gaz. Chaque nouvelle donnée identifiée doit être intégrée au bilan. « Ce sont donc des approximations, commente le chercheur, mais elles sont de plus en plus précises et permettent de comprendre les grandes lignes du cycle du méthane et d’identifier les activités les plus polluantes. Par exemple, le quatrième rapport du GIEC, qui date de 2007, estime l’émission par des sources naturelles à 143 millions de tonnes de méthane par an. Les deux tiers provenant des zones humides comme les marais ou les plaines d’inondation. Mais ces sources naturelles fonctionnent de la même manière depuis des millénaires, et donc ne contribuent pas à l’augmentation de CH4 dans l’atmosphère. Ce qui nous intéresse davantage encore, ce sont les sources anthropiques, qui contribuent à l’augmentation des gaz à effet de serre. Elles sont estimées à 358 millions de tonnes annuelles. 106 millions proviendraient de l’extraction des énergies fossiles, 81 millions du bétail, 61 millions des décharges, 60 millions de la culture de riz, et enfin, 50 million de la combustion de la biomasse, comme les feux de forêts, par exemple. » 

La part anthropique des sources de méthane s’élèverait donc à environ 70% de son émission totale. Selon le même rapport, les puits de méthane en absorberaient 515 millions de tonnes chaque année. Ces puits sont de différents ordres. La troposphère est le principal puits, avec 445 millions de tonnes chaque année. Le méthane relâché dans l’atmosphère se dégrade en effet rapidement par oxydation. On enregistre également une perte stratosphérique de 40 millions de tonnes et une oxydation par les sols de 30 millions de tonnes. « En comparant ces chiffres, on peut conclure qu’en 2007, l’atmosphère accumulait 14 millions de tonnes de méthane. Ce chiffre doit être aujourd’hui revu à la hausse et avoisine plutôt les 30 millions. » Nous sommes en effet revenus à une émission de méthane proche des années 80 pour plusieurs raisons, notamment l’extraction du gaz de schiste (Lire l’article « Une note salée pour le gaz de schiste »).  

Tourbe Mer du nord

…Mais un bilan teinté d’espoir

Ce chiffre, qui indique une croissance de la quantité d’un gaz à effet de serre outrageusement efficace, Alberto Borges l’observe avec une note d’optimisme. « Les plus grosses sources de méthane sont de l’ordre de la centaine de millions de tonnes alors que le bilan est de l’ordre de la dizaine. Les échelles ne sont pas les mêmes. Cette différence d’ordre de grandeur indique qu’une petite variation des sources ou des puits peut induire une variation relativement importante du bilan. Et comme ces sources sont très nombreuses, il est possible d’agir à plusieurs niveaux. A l’inverse, si on prend le dioxyde de carbone, par exemple, sa source principale est la combustion industrielle de ressources fossiles. On connait la cause, mais on n’a que très peu de leviers d’action. Dans le cas du méthane, c’est très différent. En tant que citoyens, nous pouvons avoir une influence importante sur certaines de ses sources. » La part du bétail, par exemple, est trois fois plus élevée que l’accumulation actuelle du méthane dans l’atmosphère. En diminuant d’un tiers notre consommation de viande, on parviendrait presque à inverser la tendance et à générer un bilan négatif. C’est-à-dire que le système consommerait plus de méthane qu’il n’en émettrait. Il est également possible d’imaginer une meilleure gestion du recyclage ou une réflexion sur des systèmes de production de riz produisant moins de méthane, et mieux encore, de rêver à une combinaison de ces différentes mesures.

L’impact serait d’autant plus rapide et significatif que le cycle du méthane est particulièrement dynamique. « C’est dû à sa composition moléculaire. Le méthane est constitué d’un atome de carbone et de quatre atomes d’hydrogènes. Les liens atomiques entre l’hydrogène et n’importe quel autre atome sont très énergiques. Le méthane est donc très réactif et s’oxyde rapidement dans l’atmosphère ». Une propriété qui fait une belle différence. Là où l’atmosphère a besoin de 100 ans pour éliminer une molécule de CO2, elle n’en prend que 10 pour une molécule de méthane. En une décennie, on peut dès lors récolter les bienfaits de mesures prises aujourd’hui. « En tant qu’individu, on a souvent l’impression que ces phénomènes sont tellement vastes que nous ne pouvons pas avoir de rôle significatif à jouer. Mais en mettant tous ces chiffres en perspective, on se rend compte que des scénarios peu contraignants pourraient permettre d’infléchir ou d’arrêter l’accumulation de méthane dans l’atmosphère. Le méthane est à mes yeux une des clés les plus prometteuses pour freiner à court terme et de manière efficace le réchauffement climatique. » 

Page : précédente 1 2 3

 


© 2007 ULi�ge