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Ambroisie: une plante prête à de grandes conquêtes
09/06/2016

De toutes les couleurs

Le jeune chercheur a donc voulu savoir si les caractéristiques des graines ont une influence sur le développement ultérieur des plantes. Les graines d'Ambroisie sont, en effet, d'une très grande variabilité, tant en ce qui concerne leur taille que leur masse, leur couleur, leur densité, etc. Il paraissait donc opportun de voir si ces caractéristiques ont un impact sur le développement des plantules et sur la viabilité de la plante à long terme. Originalité de l'approche: alors que la plupart des recherches menées dans ce domaine se limitent à la mesure de la masse des graines, William Ortmans s'est également intéressé à l'aire (surface) de celles-ci. "J'ai travaillé sur 900 graines issues de 9 populations d’Ambroisie différentes. Dans chaque population, j’ai sélectionné 10 plantes mères et j’ai récolté 10 graines par plante. Après les avoir pesées, je les ai photographiées dans des conditions standardisées. Un logiciel m'a permis de mesurer précisément la couleur de chaque graine et d'estimer l'aire de chacune à partir de la mesure de la plus grande ellipse présente à la surface de celle-ci. Outre l'originalité de la technique photographique, je voulais surtout éviter, en allant au-delà d'une simple mesure de la masse, de passer à côté d'autres caractéristiques éventuellement décisives. Si je m'étais limité à la masse, je n'aurais pas pu estimer, par exemple, la quantité de réserves nutritives réellement présentes pour la future plantule". 

Les graines ont ensuite été semées dans deux chambres de culture identiques, à l'exception des conditions de température ambiante. L'une - la chambre chaude - était destinée à installer  les conditions de croissance idéales (simulant le sud de l'Europe), l'autre - la chambre froide - les conditions suboptimales telles qu'on les trouve par exemple en Belgique. A l'âge de deux semaines, les plantules ont été photographiées et leur surface foliaire a été estimée. Après deux mois, les 900 plantes ont été coupées afin d'estimer leur biomasse aérienne. "La biomasse constitue un excellent indicateur des performances de la plante, particulièrement la quantité de pollen et la quantité de graines produites. J'ai par exemple constaté, sans surprise, que les graines semées en chambre froide étaient plus lentes et moins nombreuses à germer. Mais ce qui m'intéressait surtout, c'était de comprendre si les caractéristiques de la graine, à savoir la couleur, la taille, ou la masse, influençaient la croissance de la plantule, qui est le stade où la plante est la plus vulnérable ".  

LG Graines Ambroisie

Prête pour l'invasion

Avec quels résultats? "On aurait pu s'attendre, par exemple, à ce que toutes les graines soient plus ou moins identiques, au regard des traits pris en compte, au sein de chaque population (zone géographique) considérée. Eh bien non, la variabilité se rencontre à tous les niveaux: les zones géographiques, les populations locales et les plantes elles-mêmes. Les traits de la graine n'ont pas tous eu un impact très important, mais les grosses et lourdes graines ont produit  des plantules avec une croissance plus rapide et dotées d'une plus grande biomasse. La grande variabilité des graines permettrait donc à l’espèce de se développer dans une large gamme de milieux, y compris des environnements plus froids". Ce dernier constat, fondamental, est préoccupant. Il signifie que l'Ambroisie est parfaitement capable de se développer dans les conditions de température qu'on rencontre en Belgique; certes, plus lentement qu'ailleurs, mais avec un excellent taux de germination et un cycle allant jusqu'à son terme, c'est-à-dire la fructification et la dissémination de pollen dans l'environnement.

"Actuellement, les principaux foyers d’invasion européens d'Ambroisies restent éloignées de la Belgique, plusieurs centaines de kilomètres nous en séparent, commente Arnaud Monty, chef de travaux à l'Axe Biodiversité et Paysages du Département BIOSE, et promoteur de la thèse de William Ortmans. Mais, si les activités humaines devaient véhiculer dans nos régions des stocks importants de graines, il est clair qu'il nous faudrait réagir très vite. Un système de détection précoce est indispensable. Si les autorités attendent ne fût-ce que deux ou trois années avant de réagir, ce sera déjà très difficile d'être efficace. Si elles attendent dix ans avant d'adopter des mesures de limitation ou d'éradication, ce sera franchement trop tard". Au rayon des mesures de vigilance suggérées par l'expert gembloutois, on peut citer une attention toute particulière aux "bandes faunes" développées dans le cadre du verdissement de la Politique Agricole Commune (PAC). En effet, certains semis prévus dans le cadre des Mesures agro-environnementales (MAE) incluent le recours aux tournesols, potentiellement contaminés par des graines d'Ambroisie.

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