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L’hépatite E, un virus (un peu moins) méconnu
31/05/2016

Dans la nature, la transmission entre animaux est fécale-orale. Les cerfs sont sans doute des victimes collatérales, contaminés par les excréments de sangliers sans qu’il y ait ensuite de véritable perpétuation de l’infection, comme le démontre sa faible présence chez eux. Mais comment l’hépatite E passe-t-elle du porc à l’homme ? Même si tout est bon dans le cochon, personne ne va jusqu’à ingérer ses déjections…

« L’étape suivante est de continuer dans la collaboration One Health et d’élucider cette transmission », prévoit Étienne Thiry. Des études internationales avancent déjà quelques pistes. Par exemple, les personnes qui ont une exposition professionnelle aux porcs (éleveurs, vétérinaires, ouvriers dans les abattoirs…) semblent plus souvent positives que les autres. Ces résultats n’ont pour l’instant pas été confirmés en Belgique, faute de subsides pour financer la recherche. 

porc elevage

D’autres travaux scientifiques, notamment au Japon, démontrent que l’infection peut être causée par l’ingestion de foie cru. Normalement, le virus est inactivé dès 70 degrés, mais parfois la viande issue de la chasse est insuffisamment cuite. Dans le sud de la Corse et en France, c’est un saucisson qui est à blâmer : le figatelli, une salaison à base de foie de porc cru. Chez nous, les habitudes alimentaires étant différentes, il reste à déterminer quels facteurs pourraient intervenir dans la contagion. « Il faudra creuser à l’avenir la piste de l’alimentation à base de produits porcins, estime le professeur. Il s’agit logiquement de l’exposition principale à laquelle les personnes peuvent être soumises. Ce sont des études épidémiologiques à réaliser au niveau humain. Du côté vétérinaire, nous allons plutôt nous concentrer sur les aspects virologiques. En utilisant des techniques de séquençage de nouvelle génération, on va caractériser beaucoup plus finement le virus, afin de préciser la parenté entre celui isolé du porc et du sanglier, et celui de l’homme. Pour l’instant, on estime qu’ils sont presque identiques, sur base des connaissances que nous avons. Mais nous n’avons pas encore exploré l’ensemble du génome ». 

Ces analyses poussées permettront peut-être indirectement de comprendre le passage de l’animal à l’homme. Et de mettre au point un vaccin ? « Il en existe déjà un, humain, en Chine, explique Étienne Thiry. Côté animal, nous sommes prêts à investiguer ce problème. Un vaccin serait possible, mais je n’ai pas l’impression qu’il s’agira de l’approche privilégiée, car le coût serait très élevé. Il s’agirait plus de méthodes de contrôle sanitaires et hygiéniques. On avait fait cette proposition à la Région wallonne, qui n’est manifestement pas encore prête et n’a pas retenu notre projet ». 

 

Être une maladie asymptomatique n’aide pas à dénicher des financements… Tout au plus peut-on déceler chez le porc quelques signes d’inflammation au niveau du foie. Pour le reste la maladie est bénigne. Seuls les « meilleurs » virus réussissent à trouver un tel état d’équilibre entre eux-mêmes et leur hôte, car il n’est pas dans leur intérêt de tuer ceux qui les hébergent. Cela n’exclut pas qu’un jour une souche beaucoup plus virulente émerge. Ou que le virus s’aggrave au contact d’autres infections. Sous ses airs inoffensifs, l’hépatite E gagne malgré tout à être connue…

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