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L’hépatite E, un virus (un peu moins) méconnu
31/05/2016

Fait troublant : ce génotype 3 a aussi été identifié dans les mêmes zones géographiques chez le porc et, dans une moindre mesure, chez les sangliers et les cervidés. De là à penser qu’il y aurait une dimension zoonotique, soit une transmission de l’animal à l’homme, il y a un pas… qu’il n’est pas (encore ?) possible de franchir. 

« Que se passe-t-il entre le porc et l’homme ? C’est la question à laquelle nous essayons de répondre depuis 5 ans, en collaboration avec l’ISP, résume Étienne Thiry. Pour l’instant, on ne sait pas exactement si le virus est d’abord apparu chez l’homme ou chez le suidé ». Le laboratoire liégeois, aidé par un spécialiste américain, a analysé des données phylogéniques afin d’établir l’arbre généalogique du virus, en partant des connaissances actuelles pour remonter le plus loin possible dans le temps. Ce ne fut pas simple, car il appartient à la famille très complexe des Hepeviridae que l’on retrouve aussi bien chez le chameau que les rongeurs et les chauves-souris. Les chercheurs ont néanmoins réussi à remonter à environ 1 million d’années pour retrouver un ancêtre commun aux hepevirus de mammifères et d’oiseaux. La dichotomie s’est opérée par la suite, mais nul ne sait qui du porc ou de l’homme fut le premier infecté.   

Une chose est certaine, l’hépatite E de génotype 3 n’épargne pas les porcs. L’équipe liégeoise a effectué une enquête au sein des exploitations porcines belges, afin de déterminer combien d’animaux sont infectés. Verdict : 93% des exploitations porcines sont positives et 73% des porcs sont touchés. « On ne s’attendait pas à une telle prévalence ! Surtout si l’on compare aux 14% de séropositivité chez les hommes selon l’étude flamande, pointe Étienne Thiry. Du côté des suidés, on retrouve le virus quasiment partout, tandis que du côté humain l’incidence est faible. Comment ce virus passe-t-il de l’animal à l’homme ? »

sangliers hepatite

Pour le savoir, le laboratoire a d’abord étudié la présence de l’hépatite E dans la faune sauvage (1) en collaboration avec le service de santé et pathologie de la faune sauvage du Prof. A. Linden. Il a établi que 34% des sangliers étaient positifs, contre 1 à 3% des cerfs et des chevreuils. « Nous avons donc postulé – avec une confiance assez grande – qu’il existe deux réservoirs animaux identifiés en Belgique : le porc domestique et le sanglier ». À nouveau, il est impossible de déterminer avec exactitude qui a au départ infecté qui. « Même si elle est très difficile à démontrer, on peut poser l’hypothèse selon laquelle ce virus, qui existe depuis des centaines de milliers d’années, devait à la base être présent dans la faune sauvage. À l’origine, les suidés étaient pratiquement tous sauvages. Le porc est en quelque sorte un sanglier domestiqué. Mais ce virus est-il issu des suidés ou leur a-t-il été transmis par l’homme ? On ne peut pas répondre à cette question », répète Étienne Thiry.  

Lui et son équipe ont tout de même voulu déterminer si le virus du sanglier pouvait être inoculé au porc. Vu la prévalence de la maladie dans les exploitations, dénicher des animaux « indemnes » n’était pas une mince affaire. Ils ont dû se rendre en France, dans la commune bretonne de Ploufragan, où l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) possède une animalerie confinée, de niveau de biosécurité 3, où peut vivre un troupeau de porcs préservé des infections. « On a réalisé deux séries d’expériences, relate le professeur. D’abord pour démontrer que le virus du sanglier se transmet au porc, puis qu’il peut ensuite se transmettre de porc à porc. Il ne suffit pas de mettre en évidence une probabilité d’introduction, il faut aussi s’assurer qu’une fois que le virus s’est multiplié, il peut à nouveau être infectieux pour les autres et donc s’installer dans une population porcine. Voilà où on en est à l’heure actuelle ».  

(1)Belgian Wildlife as Potential Zoonotic Reservoir of Hepatitis E virus, in Transboundary and Emerging Diseases (2015).

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