Forêts : mieux vaut la diversité
Monique Carnol étudie le fonctionnement des sols et elle mesure entre autre la biomasse microbienne, c’est-à-dire la quantité de micro-organismes présents dans les sols. Ceux-ci sont des acteurs essentiels de la décomposition de la matière organique. Considérée comme un indicateur biologique de la qualité des sols, la biomasse microbienne fait partie des 16 fonctions étudiées récemment dans une vaste étude européenne, afin de déterminer le rôle de la diversité forestière à l’échelle du paysage. Elle montre que la monoculture ne peut répondre seule aux multiples rôles que l’on attend aujourd’hui de la forêt, qui loin d’être une seule « usine à bois », influence de nombreuses fonctions environnementales dans l’air comme sous terre. De nombreuses études ont à ce jour montré qu’une diminution de la diversité des espèces d’arbres avait un impact négatif sur le fonctionnement de l’écosystème au niveau local. Mais jusqu’à présent, cet impact n’avait pas pu être démontré à l’échelle plus large du paysage. Une vaste étude européenne, récemment publiée dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences)(1), vient de franchir ce pas, grâce à la modélisation de données relatives à 16 fonctions, mesurées dans 209 parcelles forestières à travers quelque six pays européens, des zones les plus nordiques aux zones les plus méditerranéennes (Finlande, Pologne, Allemagne, Roumanie, Italie, Espagne). « Le choix des parcelles a été déterminant et a lui-même fait l’objet d’une publication séparée. L’idée était de partir sur des écosystèmes adultes. La difficulté était donc de sélectionner des sites qui présentaient une richesse d’arbres différente (de 1 à 5) mais où les autres paramètres – type de sol, climat, historique – pourraient permettre de mesurer isolément l’impact de cette diversité des espèces d’arbres », explique Monique Carnol, chargée de cours à la Faculté des Sciences de l’Université de Liège et directrice du Laboratoire d’écologie végétale et microbienne. Biodiversité et biomasse microbiennePartie prenante de cette recherche, Monique Carnol a étudié l’une des 16 fonctions sélectionnées, la biomasse microbienne. « La biomasse microbienne est la mesure de la quantité de micro-organismes présente dans le sol. Comme on ne peut pas peser ces micro-organismes, on mesure leur biomasse indirectement en quantité de carbone contenue dans les cellules », explique la chercheuse. Ces micro-organismes sont responsables de fonctions très importantes comme le recyclage de la matière organique, tels que les feuilles et les branches qui jonchent le sol. « Cette matière organique ne peut pas être utilisée directement comme nutriment par les végétaux : elle doit d’abord être décomposée en matière minérale, ce qui est fait principalement par les micro-organismes. Ils vont par exemple décomposer l’azote ‘organique’ contenue dans les protéines pour en faire des nitrates et de l’ammonium, que les végétaux vont alors pouvoir absorber », poursuit la chercheuse. La mesure de la biomasse microbienne permet ainsi de donner une indication sur la capacité des sols à dégrader la matière organique, processus auquel participent également les vers de terre, dont la présence constitue un des autres paramètres pris en compte dans cette étude européenne. « Une des grandes forces de cette recherche, c’est d’avoir pris en considération des paramètres aériens, comme la production de bois ou la résistance aux pathogènes, aussi bien que souterrains. Ainsi, la séquestration de carbone a lieu en aérien par la photosynthèse, mais aussi en souterrain par l’accumulation de la matière organique dans les sols. Ce deuxième type de paramètres a longtemps été négligé parce qu’on s’est d’abord beaucoup intéressé à la production de bois. Étudier le sol est aussi plus complexe ; nous sommes moins nombreux à travailler sur ces matières. Mais aujourd’hui, l’intérêt est de plus en plus grand pour les sols car, on se rend compte que le sol est une ressource non renouvelable à l’échelle des générations humaines et que c’est donc un paramètre central pour la gestion durable », explique Monique Carnol. Il en ressort que la diversité des espèces d’arbres a bel et bien un impact sur la biomasse microbienne, un résultat qui n’allait pourtant pas de soi. « On peut se dire intuitivement qu’une plus grande diversité d’arbres, mènerait à une plus grande diversité des litières (feuilles et racines mortes) et par conséquent une plus grande biomasse microbienne. Mais une plus grande diversité des nourritures (litières) pourrait simplement changer ou augmenter le nombre de types d’organismes présents, sans modifier leur quantité. Il y avait aussi la possibilité que l’effet de la richesse des arbres soit noyée par la variabilité intrinsèque au sein d’une parcelle », raconte Monique Carnol. (1) van der Plas, F. et al. Biotic homogenization can decrease landscape-scale forest multifunctionality. PNAS doi :10.1073/pnas. 1517903113 (2016). |
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