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Un virus félin qui n’en fait qu’à sa tête
10/05/2016

Des neurones qui ont repris un cycle de division cellulaire

Que fait le FPV dans des tissus où les cellules ne se divisent plus ? Pour trouver une piste de réponse à cette question, les chercheurs sont partis de l’hypothèse que ces cellules avaient peut-être repris le chemin du cycle de division cellulaire. « Et cela, soit d’elles-mêmes, soit sous l’impulsion du virus », précise Mutien Garigliany. « Le Professeur Luc Poncelet de l’ULB a utilisé un marqueur p27 de « repos » cellulaire et a pu constater que ce marqueur avait disparu chez les neurones infectés par le FPV », explique le scientifique. « Les neurones sont donc effectivement ré-entrés au moins dans les premières phases du cycle de division cellulaire, ce qui permet la réplication du FPV ». A ce stade, les chercheurs n’ont pas la réponse de savoir si cela est induit par le virus ou non. « Pour pouvoir se multiplier, ce virus composé d’ ADN et d’une capside a besoin d’utiliser la machinerie d’une cellule en division », rappelle Mutien Garigliany. Il n’est donc pas improbable que le virus ait évolué et soit devenu capable de réactiver cette machinerie chez certaines cellules, ici chez les neurones. « La mutation que nous avons identifiée chez cette souche de virus touche une protéine dont le rôle dans le contrôle du cycle cellulaire est établi pour d’autres parvovirus. Nous suggérons donc, sans pouvoir le démontrer à ce stade, un lien de cause à effet entre cette mutation et l’acquisition du tropisme neuronal que nous avons mis en évidence », précise le chercheur. 

Detection protéines FPV

Parvovirus et lutte contre le cancer, prudence !

Cette hypothèse, qui reste à vérifier, pourrait avoir une importance capitale pour d’autres recherches sur les parvovirus. Des scientifiques étudient en effet l’intérêt d’utiliser certains parvovirus pour lutter contre le cancer. « Vu le tropisme de ce virus pour les cellules qui se divisent rapidement, les cellules cancéreuses sont un terrain rêvé pour le virus qui, au gré de ses multiplications, tue ces cellules », poursuit le vétérinaire. 

Mais la prudence reste de mise car la frontière entre l’activation du cycle cellulaire et la destruction des cellules cancéreuses reste perméable. Les récents résultats de l’étude de Mutien Garigliany et ses collègues, publiés dans BMC Veterinary Research (1), en sont un bon exemple. Si les parvovirus évoluent et acquièrent la capacité de réactiver la division cellulaire, ils peuvent potentiellement faire plus de dégâts que de bien en touchant des tissus sains comme le système nerveux central, en plus de la tumeur. « Un virus bien connu qui présente cette capacité à pousser les cellules à se diviser est le papillomavirus responsable du cancer du col de l’utérus »(2), indique le scientifique. Les choses ne sont donc pas aussi simples qu’elles pourraient paraître et l’utilisation de virus comme outils thérapeutiques doit être extrêmement prudente. L’intérêt de la présente étude est donc au moins double : comprendre les cas inhabituels de panleucopénie féline qui se sont déclarés durant l’épidémie de 2013 et approfondir les connaissances sur les interactions entre les parvovirus et les cellules qu’ils infectent.

(1) Mutien Garigliany · Gautier Gilliaux · Sandra Jolly · Tomas Casanova · Calixte Bayrou · Kris Gommeren · Thomas Fett · Axel Mauroy · Etienne Lévy · Dominique Cassart · Dominique Peeters · Luc Poncelet · Daniel Desmecht. Feline panleukopenia virus in cerebral neurons of young and adult cats. BMC Veterinary Research. 12/2016; 12(1). DOI: 10.1186/s12917-016-0657-0 

(2) lire à ce sujet Les origines du cancer du col de l'utérus 

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