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La 6e réforme de l’État
03/02/2012

II. La mise en oeuvre concrète de la réforme réforme de l’État et ses difficultés insoupçonnées : l’exemple de la défédéralisation des allocations familiales

Après le calendrier, qui formait le premier point de mon exposé, je vais passer au second, qui, lui, est consacré à la matière proprement dite de la réforme et aux difficultés insoupçonnées qui peuvent surgir lorsqu’on entreprend de régler certaines questions dans le détail.

Pour parler en termes imagés, ce que je vais vous dire maintenant ressemble un peu à la célèbre phrase que l’on prête au grand peintre Sandro Botticelli, qui, comme vous le savez, a notamment réalisé des fresques dans la Chapelle Sixtine au Vatican. En effet, selon la légende, Botticelli, en entrant dans la Chapelle quelques années après avoir y achevé les oeuvres que le Pape(7) lui avait demandées, les aurait parcourues des yeux et se serait ensuite exclamé sur un ton dépité :

«  De loin, certes, je vois des formes harmonieuses, mais en m’approchant de près, je n’aperçois plus que des petites fissures dans le plâtre. »

Cette image me semble très parlante pour évoquer la réalisation concrète, dans le détail, des différentes mesures décidées au cours de la présente réforme de l’État : même des opérations qui semblent intellectuellement simples génèrent, lorsqu’on entreprend des les effectuer sur le terrain, des difficultés inattendues. Je vais à cet égard me borner à une seule illustration, à savoir à la défédéralisation des allocations familiales (je dois préciser que j’envisage cette thématique ici sous le seul aspect du transfert de cette matière de l’Autorité fédérale aux trois Communautés et à la COCOM – autrement dit, je laisse ici de côté la question de savoir si la Communauté française serait juridiquement en mesure de transférer à son tour l’exercice de cette nouvelle compétence à la Région wallonne à l’aide de la clause dite de la Saint-Quentin).

Je ne parle donc ici que d’une chose qui, après tout, a l’air assez simple : organiser le transfert, depuis l’Autorité fédérale vers les institutions communautaires du pays, de la compétence des allocations familiales.  De ces institutions communautaires, il y en a quatre, à savoir les Communautés flamande, française, germanophone et la COCOM. 

Intellectuellement, le transfert de compétences – et des moyens financiers correspondants – est fort simple : on recenserait l’intégralité des personnes qui bénéficient de ces allocations, on les répartirait en fonction de leur domicile légal, et on saurait laquelle des quatre autorités prémentionnées sera dorénavant compétente pour le versement des allocations à tel ou tel bénéficiaire. Le montant global des sommes que l’Autorité fédérale serait ainsi appelée à transférer à chacune des quatre institutions communautaires serait dès lors très facile à établir. En pratique toutefois, tout cela n’est pas si simple.

En fait, l’ONAFTS (l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés) n’est pour l’heure pas encore en mesure de déterminer le montant précis qui devra être dévolu à chacune des différentes institutions communautaires lors de la communautarisation des allocations familiales.

Cela peut paraître étonnant. Il est certes exact que le montant des allocations varie en fonction de l’âge de l’enfant, mais tout de même : tout le monde pense que l’ONAFTS connaîtrait l’age de chaque enfant en question et saurait aussi où il habite. Or, à l’aide de ces deux paramètres, le calcul pour la répartition des sommes sur les quatre institutions communautaires pourrait être rapidement fait. Donc, on se dirait a priori : où est la difficulté ? Pourquoi ce calcul pose-t-il problème ?

En fait, la difficulté provient de la circonstance que nous n’avons pas en Belgique une seule caisse d’allocations mais qu’il en existe une grande multitude. Aussi, nous avons, en la matière, non pas une organisation faîtière mais deux.

 

Je m’explique. Pour ce qui est des allocations dont les bénéficiaires sont des enfants de travailleurs salariés (c’est-à-dire des ouvriers, des employés ou des fonctionnaires), il existe 18 caisses distinctes, chacune parfaitement autonome des autres. Ce sont elles qui sont les véritables organismes de paiement ; ce sont elles qui versent aux bénéficiaires les montants alloués. Tout ce beau monde est chapeauté par une organisation faîtière, à savoir, précisément, l’ONAFTS.

Or, comme on dirait en anglais : this is not the end of the story. En effet, l’ONAFTS est uniquement compétent à l’égard des caisses qui gèrent les allocations de trois catégories de bénéficiaires, à savoir les ouvriers, les employés et fonctionnaires publics.

Ce qui échappe en revanche à l’ONAFTS, ce sont les caisses d’allocations qui ont comme bénéficiaires les travailleurs indépendants. Ces caisses, il y en a 11, sont en effet chapeautées par une autre administration, à savoir l’Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants, en abrégé INASTI.

Vous aurez fait le calcul, deux administrations faîtières, la première regroupant 18 caisses pour les travailleurs salariés, et la seconde 11 caisses pour les indépendants, cela fait au total 29 caisses distinctes, que la réforme de l’État amènera donc toutes à se doter d’une comptabilité et d’une politique de versement divisée en autant de volets qu’il y a d’institutions communautaires compétentes à leur égard (ce nombre dépendra de la localisation territoriale du domicile légal de ses affiliés ; si les affiliés d’une caisse sont domiciliés aux quatre coins du pays, elle devra dorénavant se conformer à quatre législations différentes).

À côté de ces 29 caisses dont je viens de parler, il existe cependant encore deux caisses auxiliaires, l’une pour les ouvriers, employés et fonctionnaires, l’autre pour les indépendants ; ces deux caisses sont compétentes d’une manière supplétive lorsque le bénéficiaire ne s’est affiliée à aucune autre caisse. Ces deux caisses sont directement gérées respectivement l’une par l’ONAFTS et l’autre par l’INASTI, de sorte que, dans cette constellation précise, ces administrations faîtières agissent aussi, exceptionnellement, comme caisses subordonnées de paiement.

Fauteuil-belge copie

(7) Il s’agit de Sixte IV.

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