Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

La 6e réforme de l’État
03/02/2012

Au grand total, en tenant compte de ces deux caisses auxiliaires, on arrive donc à un chiffre de 31 caisses différentes pour le paiement des allocations familiales dans notre pays, et pour connaître, au centime près, les montants précis que l’Autorité fédérale devra verser à chacune des quatre institutions communautaires une fois que la matière des allocations aura été transférée, il faudra donc se livrer à un calcul caisse par caisse des montants et additionner les 31 sous-totaux ainsi obtenus.

But this still is not the end of the story. En effet, il faut encore dire un mot à propos de la fonction publique. Si les agents des ministères et des autres services publics relèvent en grande partie du régime établi par l’ONAFTS, cela n’est toutefois pas vrai pour tous les fonctionnaires.


Ainsi, les agents de certains ministères fédéraux (avant tout la Justice) mais aussi les membres des forces armées ne relèvent pas de l’ONAFTS mais ressortissent à des systèmes de paiement particuliers (…tout en percevant toutefois des montants identiques, car la législation sur les taux des allocations est pour l’instant fédérale et la même pour tous)(8).

Les dérogations à la compétence de l’ONAFTS ne se limitent d’ailleurs pas à l’Autorité fédérale mais on peut aussi en trouver à la Communauté française. En effet, certains fonctionnaires de ladite Communauté échappent au système de principe chapeauté par l’ONAFTS et sont gérés par la Communauté française elle-même, tandis que d’autres relèvent bel et bien du système de principe. Ainsi notamment, les personnels enseignants de l’enseignement obligatoire qui sont payés ou subventionnés par la Communauté ressortissent, eux, tout à fait au système de principe.

Elio

 

J’ajoute une dernière difficulté. Cette difficulté a trait à la répartition des compétences entre les 4 différentes institutions communautaires entre elles. Il semble régner un accord sur le fait que le critère sur la base duquel cette répartition opérera sera celui du domicile des bénéficiaires, et je suis d’accord avec le choix de ce critère ; à mon sens, c’est celui qui est le moins subjectif.

Mais il faut bien voir que même si c’est un bon critère, il donnera malgré tout lieu à des situations qui sont peut-être …comment dire…un peu inattendues.

Ainsi suffit-il de penser aux fonctionnaires de la Communauté française qui échappent au régime de principe, fonctionnaires dont les allocations sont donc directement gérées par la Communauté française. Ces agents n’habitent pas tous en région de langue française ; certains habitent à Bruxelles, et d’autres habitent, disons, en périphérie bruxelloise.

Or, vous voyez tout de suite la conséquence juridique : l’administration de la Communauté française va donc devoir appliquer, pour le paiement des allocations à certains de ses propres fonctionnaires, la législation de la COCOM ou celle de la Communauté flamande. Bien sûr, le phénomène surviendra aussi en sens inverse.

A cela s’ajoute (mais ici, je m’amuse un petit peu) que l’article 7, paragraphe 1er, alinéa 2, de la loi spéciale de réformes institutionnelles confère à chaque Communauté le pouvoir de réglementer la tutelle administrative « dans les matières qui relèvent de leur compétence ».

Vous me voyez venir (mais je dis cela évidemment à titre de simple boutade) : à quand le premier audit mené par des fonctionnaires de la Communauté flamande dans les bureaux de la Communauté française pour vérifier la bonne application de leur législation en matière d’allocations ? Et lors de cette improbable rencontre de fonctionnaires dont chacun serait légalement astreint d’employer exclusivement sa langue administrative(9), en quelle langue devrait-t-on se parler ? À vrai dire, l’ombre de René Magritte ne serait plus très loin…

Trève de plaisanteries. Que faut-il déduire de tout ce qui précède ? Certainement pas que la communautarisation des allocations familiales serait impossible à réaliser. Ce serait là une affirmation parfaitement populiste et malhonnête. La communautarisation est possible ; il existe un accord politique pour la réaliser, et donc il faut le faire. 

Mais ce qu’il convient de dire, ce que si l’on souhaite réaliser ce transfert pour janvier 2014, alors l’année 2012 sera une période fort importante : il faut mettre à profit le temps précieux qu’elle nous offre pour préparer ce dossier d’une manière approfondie, tant du point de vue juridique, que du point de vue informatique et financier. Il n’est en effet point besoin de mettre en exergue l’effet potentiellement néfaste qu’aurait sur l’opinion de l’électeur un défaut de paiement des allocations à quelques mois d’un scrutin législatif (10).

Dans ce contexte, je note aussi avec intérêt les prises de position du Président du Conseil économique et social de Wallonie, qui dans les colonnes du Soir a également plaidé pour que les mois à venir soient mis à profit pour une préparation minutieuse des nouvelles compétences à venir, cette fois-ci du côté des entités fédérées qui vont les recevoir.

 (8) Bien sûr, mais cela est connu, le régime des indépendants est diffèrent – aussi au niveau du montant des allocations et de ses règles de calcul – du régime applicable aux travailleurs salariés (et dont relèvent aussi les fonctionnaires). Mais à l’intérieur de chacune de ces deux catégories de personnes (travailleurs salariés d’un côté, indépendants de l’autre), il existe une parfaite égalité de traitement. Quant à la question de savoir s’il est souhaitable de procéder un jour à l’alignement de ces deux régimes d’allocation, elle dépasse le cadre de mon exposé : car elle peut se poser indépendamment de la présente réforme de l’État. 
(9) Conformément à l’article 36, paragraphe 1er, de la loi ordinaire du 9 aout 1980.
(10) C’est de cette préoccupation que tient notamment compte le passage suivant de la note de politique générale en matière de Réformes de l’État (note datée du 22 décembre 2011) : « Pendant une période de transition, les Communautés et la Cocom qui le souhaitent pourront faire appel aux actuelles institutions de paiement pour continuer à assurer, contre rémunération, la gestion administrative et le paiement des allocations familiales » (Documents parlementaires, Chambre des Représentants, 53e législature, session 2011-2012, n° 1964/016, p. 35.

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 7 suivante

 


© 2007 ULi�ge