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Les piranhas sont forts en gueule
08/02/2012

Et les piranhas font-ils aussi du bruit pour s’accoupler ? « Certainement, estime Eric Parmentier, mais cela n’a pas encore été étudié. » Les cris d’amour sont bien connus chez certains poissons. Des écrits datant du XVIIe siècle décrivent déjà certains pêcheurs l’oreille collée à la coque du bateau pour écouter « le chant » des maigres venus se reproduire dans les Bouches du Rhône. Cela étant dit, plus la recherche avance, plus elle dévoile la grande diversité de cette communication sous-marine. Il est impossible de tirer des conclusions générales à partir de l’étude d’une espèce. Certains poissons ne semblent pas posséder de cri d’amour, comme le poisson clown par exemple. « Peut-être n’en a-t-il pas besoin, constate E. Parmentier, vu leur organisation sociale : une seule femelle vit dans une anémone de mer, entourée d’une cohorte de mâles dont la taille décroissante donne l’ordre de préséance  pour aller féconder la « reine mère », les sons des mâles servent à défendre leur place plutôt que de faire la cour. » Par contre le poisson clown possède bel et bien un cri de guerre, lancé à la cantonade quand le territoire est en danger (lire l'article Nemo parle vraiment). D’autres poissons possèdent une panoplie sonore très large. Le Dascyllus  flavicaudus, un poisson demoiselle, produit au moins six sons différents, dont plusieurs pour la fonction de reproduction : un pour attirer la femelle, un autre pour synchroniser l’émission de gamètes dans l’eau (ce qui augmente les chances de fécondation), etc.

Les poissons ont aussi des oreilles

Et puis il y a un pan entier de la communication sous-marine qui demande encore des études : la réception du message. Comment les poissons entendent-ils ? Le laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive vient de s’équiper d’une chambre sourde pour mener des recherches dans ce domaine. Il s’agit d’un petit local complètement insonorisé et isolé des vibrations dans lequel on installe un aquarium équipé d’un haut-parleur, relié à un ordinateur et un amplificateur qui émettent des sons à différentes fréquences et différentes amplitudes. Les chercheurs greffent une électrode entre la peau et le crâne du poisson de manière à enregistrer l’activité électrique de son cerveau. Il est ainsi possible de dresser l’audiogramme du poisson et de savoir à partir de quel niveau sonore son cerveau réagit. L’équipement, un des rares en Europe, va d’abord permettre de répondre à des questions de recherche fondamentale. « Une de nos chercheuses, explique E. Parmentier, veut comprendre comment des poissons qui sont rejetés par la mer à des kilomètres de leur récif corallien natal, alors qu’ils sont encore à l’état d’œufs ou de larves, sont capables de retrouver leur chemin des mois plus tard, une fois adultes. C’est peut-être le bruit du récif qui leur permet de s’orienter. » Pour en avoir le cœur net, la chercheuse, Laetitia Berten, est allée faire des mesures dans une station de recherche française à Tahiti. En barque, elle a immergé son micro dans l’eau en s’éloignant progressivement du récif, jusqu’à plusieurs kilomètres pour enregistrer les bruits du récif. Le second volet de l’étude va consister à dresser l’audiogramme de certains poissons typiques de ce milieu-là pour vérifier s’ils sont capables d’entendre les bruits du récif, et surtout jusqu’à quelle distance ?

Les chercheurs de l’ULg voudraient aussi étudier l’impact de la pollution sonore d’origine humaine sur les poissons. Sont-ils en mesure d’entendre le bruit des bateaux, des stations de forage, des éoliennes offshore,… Et si oui, quel est l’impact de cette pollution sur leur santé et leurs comportements ? Une autre recherche envisagée touche à la médecine. On sait que certains antibiotiques ont tendance à détruire les cellules ciliées, nécessaires à la réception et à la transmission des messages auditifs vers le cerveau. Etudier l’effet de ces antibiotiques sur le système auditif des poissons est intéressant car, contrairement aux mammifères, ils possèdent une capacité à régénérer leurs cellules ciliées. Le traitement de la surdité se trouve peut-être au fond de la mer.

Piranha2

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