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Les maths pour prédire l’écoulement des eaux
04/05/2016

Retour de l’universel au détail

L’outil, rapprochant la courbe de Budyko au principe de puissance maximale, pourrait donc permettre de mieux prédire l’évaporation des bassins versants. Malgré tout, il n’est pas encore opérationnel. Chaque point du graphique correspond à la moyenne des précipitations et des évaporations d’un bassin versant sur plusieurs années. La résolution dans le temps et dans l’espace manque cruellement de précision. « Notre publication n’est qu’une étape. Si nous parvenons à vérifier que le principe est correct, nous pourrons l’appliquer à plus petite échelle, en tenant compte de la dynamique réelle de chaque région, d’événements particuliers, etc. » Une seconde lacune pour le moment tient dans le fait que le modèle ne permet de prédire qu’une des trois données relatives au circuit des précipitations, l’évaporation. Avec deux inconnues, impossible à l’heure actuelle de déterminer la part d’écoulement et la part d’infiltration. Difficile, donc, de prédire l’impact des variations climatiques sur l’approvisionnement des rivières en eau de pluie.

D’une pierre deux coups

Outre l’envie de démontrer le caractère universel du principe, c’est précisément pour pallier ces deux approximations que les chercheurs mènent une série d’expériences en laboratoire, à de très petites échelles. Ces échantillons de sols offrent la possibilité d’observer en détail leur fonctionnement, et donc l’écoulement, en plus de l’évaporation. L’expérience, assez simple, n’est autre qu’un analogue hydrologique des transferts atmosphériques de chaleur entre l’équateur et les pôles.

Deux réservoirs sont placés l’un à côté de l’autre et sont séparés par un échantillon de sol long d’un mètre et demi. Seul le réservoir de gauche est alimenté en eau, par le haut, pour simuler la pluie. En bas, sur les bords extérieurs des deux réservoirs, un robinet permet de simuler la perte naturelle des eaux (évaporation et infiltration). L’équivalent de l’énergie thermique rediffusée vers l’espace et dont l’apport n’est pas conservé dans le système atmosphérique. Au début de l’expérience, l’eau se heurte à un sol compact. Une résistance élevée empêche le déploiement d’une puissance de transfert maximale. Comme dans l’atmosphère, des mécanismes vont atténuer cette résistance. Pas question ici de vents ou de propriétés propres à l’air. Les processus sont différents. « L’un d’eux, que nous cherchons à imiter dans cette expérience, est l’érosion. L’eau va peu à peu déplacer les grains du sol et creuser des galeries. Plus ces artères seront larges, plus le transfert vers l’autre réservoir se fera rapidement, plus il y aura une puissance de transfert importante. A l’inverse, si ces galeries deviennent trop grandes, la résistance finit par devenir presqu’inexistante. Le niveau d’eau s’équilibre progressivement entre les deux bassins et le débit diminue jusqu’à s’arrêter totalement. Entre les deux extrêmes, à un moment donné, il existe une situation où l’écoulement atteint une puissance maximum. La finalité de l’expérience est de vérifier si, comme le prédit le principe d’optimalité, ces mécanismes d’érosion cessent d’évoluer au moment où le système se rapproche de cet état. »

 ecoulement eaux

Actuellement, les résultats sont prometteurs, mais les expériences doivent être poursuivies pour éviter tout biais possible. Si la démarche évolue pour rencontrer systématiquement les prédictions du principe de puissance maximum, les chercheurs obtiendront un élément supplémentaire de preuve que leur hypothèse fonctionne. Plus encore, ils pourront développer un moyen d’analyser en détail et sur de petits échantillons les réalités très précises de bassins versants au cas par cas, et combiner l’évaluation de deux des trois transferts d’eaux de pluies. L’évaporation d’un côté, à l’aide de la courbe de Budyko, et l’écoulement de l’autre, suite aux expériences de laboratoire. « Dès lors, nous serons en mesure de prédire l’évolution  des évaporations et des écoulements d’eau de pluie, mais aussi d’infiltration, puisqu’il nous suffira de soustraire aux précipitations totales l’évaporation et l’écoulement pour obtenir l’infiltration. Le travail méthodologique et théorique sera encore long, mais on pourra alors envisager d’avancer du fondamental vers une application pratique du modèle. »

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