Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Un trio de terres à 40 années-lumière ?
02/05/2016

Mais c'est là aussi une des difficultés. Ces étoiles n’émettent que très peu de lumière, la plupart du temps détectable uniquement dans l’infrarouge par les instruments les plus performants. Les plus proches de la Terre commencent à peine à pouvoir être étudiées et l'étoile TRAPPIST-1 elle-même n’a été découverte que récemment. Au-delà d’une centaine d’années lumières, elles restent  inobservables, alors que les étoiles plus massives comme le Soleil émettent un signal visible de plusieurs milliers d’années-lumière de distance. « Donc, explique Emmanuël Jehin, il y a beaucoup moins de naines rouges ultrafroides connues que de plus grosses étoiles, vu qu’on ne détecte que les plus proches. Jusqu’ici, les campagnes de recherche ont surtout visé à détecter le plus d’exoplanètes possible, en sondant de larges portions du ciel sans discriminer le type d’étoiles. Ce qui permet de surveiller des milliers d’étoiles en même temps et donc d’augmenter les chances de détection, mais n’incluait quasi pas de naine rouge ultrafroide.» Enfin, la communauté scientifique a jusqu’ici dépeint ces mini-étoiles comme trop actives, à l’émission lumineuse trop variable pour qu’on puisse espérer y discerner des transits planétaires, dont la présence était de toute façon plus que douteuse selon les résultats de nombreux modèles.. En bref, ces étoiles, étaient globalement considérées sans grand intérêt pour la recherche de planètes car trop différentes du Soleil.

Les chercheurs liégeois pensent eux tout le contraire et estiment que ces étoiles cachent presque toutes un système planétaire comme semble le confirmer cette première découverte. Aller voir ce qui se passe du côté des naines rouges ultrafroides semble donc être une démarche très prometteuse. « De plus, ajoute Michaël Gillon, les grands télescopes du futur comme le JWST, le prochain télescope spatial de la NASA, auront un degré de précision leur permettant d’étudier l’atmosphère de planètes de type terrestre, et même d'y trouver des traces de vies, mais seulement autour d'étoiles parmi les plus proches et les plus petites. Pour de plus grosses étoiles plus éloignées, il faudra attendre des instruments encore plus performants. »

Trappist Sud

Un début de projet exceptionnel

Pour le projet SPECULOOS, l’enjeu sera donc d’observer une à une toutes les naines rouges ultrafroides proches de la Terre. « Au total, nous avons répertorié un millier d’étoiles suffisamment proches pour qu’on puisse entamer des études atmosphériques d'éventuelles planètes de taille terrestre les transitant, intervient Michaël Gillon. Elles sont réparties un peu partout sur le ciel et on n’a quasiment aucune chance d’en avoir deux dans le même champ. Là où, par exemple, le télescope spatial Kepler de la NASA peut sonder des milliers d’étoiles en même temps, nous devons les étudier une par une, en les observant chacune à leur tour pendant une dizaine de nuits en moyenne. C'est un processus très lent, ce qui nous oblige à utiliser plusieurs télescopes pour finir le projet en un temps raisonnable.» Un inconvénient pratique lié à une difficulté supplémentaire. Pour détecter un transit, il faut qu’une planète passe exactement devant son étoile vue depuis la Terre, ce qui statistiquement n’arrive pas souvent. « Dans cette réalité, ponctue Emmanuël Jehin, les télescopes de relativement grande taille sont bien trop sollicités pour pouvoir se focaliser sur une seule étoile à la fois pendant de nombreuses nuits. Sauf bien entendu s’il s’agit d’une étoile autour de laquelle on a déjà découvert des planètes qui méritent qu’on s’y attarde. Avoir nos propres télescopes était donc vital pour le projet. Nous pouvons nous permettre de consacrer à ces recherches tout le temps nécessaire. C’est un pari et un risque que nous pouvons nous autoriser. »

Avant de pleinement lancer le projet SPECULOOS, il fallait s’assurer de la viabilité d’une intuition aussi folle et en lancer une version prototype. « Le projet est ambitieux, reconnaît Michaël Gillon qui est à la tête et à l’origine du projet, et vu la réputation de ces étoiles, nous devions être sûrs que nous avions des chances de détecter des planètes de type terrestre. Nous savions que TRAPPIST était trop petit pour assumer seul l’observation d’un échantillon suffisamment grand. Mais il pouvait très bien observer les plus brillantes et les plus proches d’entre elles. Nous avons donc sélectionné cinquante cibles, ce qui était assez pour tirer des conclusions statistiques avant d'aller plus loin.»

Page : précédente 1 2 3 4 suivante

 


© 2007 ULi�ge