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Détecter le déficit en cholestérol chez les vaches Holstein
17/05/2016

L’expression du gène APOB mise à mal

En cherchant des mutations classiques, c’est à dire la modification d’un seul ou de quelques nucléotides, dans la séquence du gène APOB, Carole Charlier et son équipe n’ont rien remarqué d’anormal. « Par contre, au niveau de l’exon 5 de ce gène, il y avait une signature particulière : l’insertion d’une séquence répétée », révèle la chercheuse. « Nous avons caractérisé cette séquence et nous avons trouvé que cet élément répété fait partie d’une famille d’éléments mobiles connue sous le nom d’« élément rétroviral endogène ou rétrovirus endogène ». Les séquences répétées représentent 50% du génome des mammifères. Il en existe différentes classes et sous-catégories parmi lesquelles on compte les éléments transposables. « L’élément répété trouvé au niveau du gène APOB fait partie de cette dernière catégorie », révèle Carole Charlier. « Il s’agit de l’insertion d’un élément complet de 7000 paires de bases. Cette insertion devrait engendrer l’arrêt total de la transcription du gène et abolir sa fonction ».

Grâce à la collaboration de la Faculté de Médecine vétérinaire de l’Ulg (Drs Arnaud Sartelet et Emilie Knapp), l’équipe de Carole Charlier a pu obtenir du matériel biologique (ADN et tissus) d’un veau souffrant de CDH. « Nous avons fait séquencer son transcriptome à partir de cellules de son foie pour vérifier l’impact de la mutation sur l’expression du gène APOB », explique la scientifique. C’est ainsi qu’ils ont eu la confirmation que le gène APOB de ce veau n’engendrait pas une protéine « normale ». La transcription du gène était interrompue alors que seuls 3% de la protéine avaient pu être formés.

Ces découvertes ont permis aux chercheurs liégeois de développer un test qui interroge de manière directe la mutation afin de pouvoir valider ou invalider les résultats obtenus via le test haplotypique indirect existant. Ce test permettra dorénavant aux éleveurs d’éviter d’utiliser des animaux porteurs de la mutation pour la reproduction. « Cette mutation est assez fréquente au sein de la population Holstein. Elle touche 6 à 8% des animaux. Mais avec les inséminations artificielles, si on utilise des reproducteurs porteurs de la mutation, on peut vite multiplier considérablement le nombre d’animaux porteurs de la mutation et ainsi le nombre de veaux atteints », souligne Carole Charlier.

Veaux infectes CDH Holstein

Zoom sur les éléments transposables dans le génome des vaches

L’objectif du test 100% fiable pour détecter les vaches et taureaux porteurs de la mutation responsable du CDH atteint, Carole Charlier et son équipe n’en sont pas restés là. Normalement, les rétrovirus endogènes sont fortement réprimés par les mécanismes de défense de l’organisme. S’ils ne sont pas réprimés par ces derniers, ils peuvent se transposer dans le génome, être transcrits, aller s’intégrer ailleurs dans le génome et causer différents impacts sur les individus qui les portent. D’où un système de défense du génome habituellement très efficace contre ces mutations. Les chercheurs de l’ULg ont voulu savoir quelle était la distribution génomique de ces éléments, leur fréquence et leur spécificité chez les vaches Holstein et Blanc-bleu belges.

Dans ce contexte, Chad Harland, doctorant néo-zélandais au sein de l’Unité de recherche de Génomique animale, a développé un outil bioinformatique (LocaTER) permettant de détecter, dans le génome, des éléments du même type que celui trouvé sur le gène APOB. Résultat : 1200 évènements polymorphes de ce type ont été mis au jour. « Certains sont spécifiques des bovins Blanc-bleu belges, d’autres sont spécifiques des vaches Holstein. Enfin, certains sont partagés par les 2 races et sont donc vraisemblablement apparus dans le génome des bovins il y a plus longtemps », précise Carole Charlier. Les scientifiques ont montré que, comme cela avait été démontré chez la souris notamment, les éléments de transposition du génome des bovins sont soumis à de fortes pressions de sélection purificatrice. « Lorsqu’un élément de la sorte se mobilise, il va s’insérer de manière aléatoire n’importe où dans le génome : dans les régions intergéniques, dans les introns  ou dans les exons. L’orientation de son insertion a un impact sur les conséquences de cette insertion sur la fonction du gène touché », explique Carole Charlier. En effet, si l’élément en question s’insère dans le sens de transcription d’un gène, il va perturber et/ou arrêter la transcription de ce gène. Si l’insertion se fait dans le sens inverse de la transcription, son impact sur la fonction du gène sera plus variable. « En regardant à la fois la distribution et la position de ces 1200 éléments dans le génome des vaches Holstein et Blanc-bleu belges, on a pu montrer qu’il y a moins d’insertions au niveau des gènes que ce à quoi on s’attendrait si on part du principe que ces insertions se font de manière aléatoire dans le génome. De plus, lorsque ces éléments sont insérés dans un gène, il y a deux fois plus de chance qu’ils soient insérés dans le sens contraire du sens de transcription », révèle Carole Charlier. Ces observations confirment l’œuvre d’une sélection purificatrice : les éléments insérés dans des gènes dans le sens de transcription ont été éliminés au fil de l’évolution à cause de leur impact négatif sur les individus porteurs de ces mutations

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