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E-business : la croissance viendra de la confiance
20/04/2016

Ce n’était pas le nouvel eldorado mais l’e-business aura tout de même suscité son lot de pionniers, avec plus ou moins de succès selon les cas. Cette évolution a été accompagnée par la mise en place d’une régularisation directe et indirecte, notamment au niveau européen. Celle-ci a été analysée dans l’ouvrage Les entreprises et l’e-business : nouvelles tendances(1), auquel a contribué Damien Jacob, professeur invité à HEC-Liège, Ecole de gestion de l’Université de Liège. Il ne s’agit pas en ces temps de morosité économique de casser le dynamisme de ceux qui ont su tirer partie de la numérisation de certains marchés, mais au contraire de mettre en place les conditions d’un succès pérenne. Cela passe avant tout par le renforcement d’un climat de confiance auprès du e-consommateur.


eShopping ordinateur

Trois vagues ont successivement rythmé l’évolution du e-business. Tout d’abord, celle d’une numérisation progressive mais ininterrompue de pans entiers de l’économie. L’un des exemples le plus marquant étant le secteur de l’industrie du disque. Il fallait changer le contenant en offrant des supports dématérialisés pour un contenu qui, lui, ne changeait pas. Le phénomène, non-anticipé, aura eu des effets dévastateurs sur le secteur, accentués par l’ampleur des téléchargements illégaux. Puis, la vague de l’e-commerce est apparue et elle a notamment bouleversé le retail (commerce de détail). Aujourd’hui, acheter une paire de chaussures en ligne sans essayage préalable ne paraît plus du tout incongru. Des sites de vente en ligne ont connu un succès formidable. Peut-être parce que leur offre était accessible même depuis les zones rurales les plus reculées ce qui n’est pas le cas avec la boutique traditionnelle. Peut-être aussi parce que ces boutiques en ligne proposent au final un choix beaucoup plus large. Peut-être enfin parce que nos centres-villes font la part belle aux grandes chaînes qui vendent des produits et services standardisés, sans conseils personnalisés et avec une expérience d’achat plutôt pauvre. L’impact au niveau de l’aménagement urbain est déjà marqué aux Etats-Unis, confrontés au phénomène de friches commerciales : après avoir étouffé les noyaux commerciaux urbains, les grands « malls » (centres commerciaux périphériques) disparaissent à leur tour. Le consommateur fuit cette ambiance impersonnelle. Il semblerait que l’artisanat et le petit commerce s’appuyant sur le conseil et sur des valeurs enregistrent par contre un regain d’intérêt. La troisième vague quant à elle s’appuie notamment sur « les aspects technologiques qui évoluent le plus ces dernières années, en particulier les technologies mobiles, le cloud computing, le ”bigdata” et "l’internet des objets”. Elle bouscule, voire remet en question, une série d’anciennes limites, qu’elles soient réglementaires, éthiques, géographiques, et organisationnelles dans le monde du travail. La limite entre vie professionnelle et vie privée s’estompe de plus en plus », explique Damien Jacob. Cette troisième vague apporte avec elle son lot de débats sociétaux comme celui sur « l’uberisation » de l’économie. Toutefois, Damien Jacob se garde bien d’employer les termes d’« économie collaborative » ou d’ « économie du partage », « inappropriés », selon lui. Il est vrai qu’on est loin du troc. Pour autant, on ne peut nier le succès de ces nouvelles plateformes qui se marient parfaitement avec le développement des technologies mobiles et le changement des habitudes qui en résulte. Fini le temps où les pics de consommation en ligne étaient atteints en dehors des heures de travail. A l’instar des heures de pointes, il n’y a plus de moments clairement identifiés pendant lesquels on effectue ses opérations sur Internet.

L’e-business n’est peut-être pas un nouvel eldorado mais il ne s’agit pas d’un feu de paille non plus. Reste à savoir si les acteurs traditionnels vont devoir appeler les pompiers. Damien Jacob est optimiste mais réaliste : « Il ne faudrait pas penser que l’économie traditionnelle va être remplacée. J’appelle cela plutôt une transition numérique et non une « révolution », un terme qui fait d’ailleurs peur à des acteurs traditionnels qui peuvent craindre le changement alors qu’ils devraient plutôt s’adapter et prendre le fil de celui-ci afin de ne pas être débordés et de pouvoir l’utiliser au mieux au lieu de le subir. »

L’harmonisation des règles de protection du consommateur européen

Face à tant de secousses et tant de nouvelles façons de faire, on en oublierait presque que le fond n’a au final pas changé. Qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service, il y a toujours l’offre et la demande. Il y a toujours celui qui vend et celui qui achète. Or, justement, ce dernier demeure celui qu’il faut séduire et non pas rouler. De ce côté-là, Damien Jacob relève que l’achat en ligne pour de nombreux Belges est encore « anxiogène » à l’heure actuelle, notamment lorsqu’il s’agit d’utiliser sa carte de crédit. Etrangement, le paiement par virement bancaire continue de bénéficier d’un préjugé favorable au détriment de celui par carte de crédit, considéré comme moins sûr. Ce qui est contraire à la réalité puisqu’en cas de fraude, le montant viré est définitivement perdu. D’une manière plus générale, le constat de méfiance du consommateur s’illustre par le biais de différentes statistiques exposées par Damien Jacob dans sa participation à ce nouvel ouvrage. Pour ne citer qu’un exemple, en 2015, une enquête réalisée par COMEOS, la Fédération belge du commerce et des services, révèle que « 38 % des Belges veulent voir/essayer le produit avant de l’acheter, 25 % souhaitent pouvoir parler à un vendeur, 24 % n’aiment pas livrer des données personnelles sur internet, 24 % doutent de la fiabilité des moyens de paiement, et 3 % ne veulent plus acheter en ligne compte tenu de leur expérience. » Ces chiffres montrent un déficit de confiance du consommateur, préjudiciable pour l’e-commerçant et donc pour la croissance. Etant donné le caractère particulier du commerce par Internet, c’est-à-dire notamment le fait qu’un bon nombre de transactions s’effectuent entre un vendeur et un acheteur établis dans deux pays différents avec leur législation propre, il devenait indispensable d’harmoniser les règles de protection du consommateur à l’échelle européenne. Une harmonisation complète a été instaurée avec la Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil.  Par ce texte, le législateur européen a voulu les mêmes garanties et les mêmes obligations de communication partout en Europe. Quel que soit son pays de résidence, le consommateur bénéficie maintenant d’un niveau de protection en tout point semblable à celui de son voisin. « Cette harmonisation des réglementations au niveau européen vaut pour tous les sites qui s’adressent de manière ciblée et évidente au consommateur européen, même si ledit site n’est pas hébergé en Europe. Cette protection vaut pour le BtoC (NDLR : business to consumer) uniquement. »

(1) Les entreprises et l’e-business : nouvelles tendances, par Fred Colantonio, Sandrine Carneroli, Damien Jacob, Philippe Laurent, Jean-Philippe Moiny, Adrien Renault, Christophe Verdure, Justine Vilain, éd. Wolters Kluwer, décembre 2015

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