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E-business : la croissance viendra de la confiance
4/20/16

Néanmoins, David ne doit pas se servir de Goliath comme excuse pour rester passif. « Moi, je conseille aux petits acteurs d’être pro-actifs vis-à-vis de la réglementation : cela donne confiance aux gens. Beaucoup de raisonnements fallacieux circulent chez les e-commerçants qui se disent par exemple qu’ils doivent à tout prix empêcher l’exercice du droit de rétractation car cela va leur coûter cher. Certes, il faut en tenir compte dans son calcul de rentabilité, mais il faut savoir que la rétractation sur un produit standard, c’est de l’ordre de 1% en Belgique ! » Les grands acteurs, eux, ont tendance au contraire à beaucoup communiquer sur les facilités qu’ils offrent aux consommateurs de se rétracter. En Angleterre, où le marché est beaucoup plus mûr, (presque deux fois le marché français en e-commerce), la concurrence a vite été rude entre les e-commerçants. Ceux-ci se sont rendus compte qu’il était vain de se faire une guerre des prix et ils ont plutôt joué la carte de celui qui offrirait le meilleur service après-vente, par exemple en prolongeant le délai de rétractation. Jusqu’à parvenir à cent jours, une facilité désormais fréquente en Angleterre. Cependant, dans la pratique, ce délai élargi ne change rien puisque quand le consommateur n’est pas satisfait, il retourne son achat la plupart du temps dès les premiers jours après réception. « Mais c’est un argument de vente car cela inspire confiance. En plus, juridiquement au-delà des 14 jours, le commerçant peut se contenter de proposer un bon d’achat et non un remboursement.»

eShopping carte

Gérer les plaintes au niveau communautaire et créer un marché unique effectif de l’e-commerce : deux chantiers en suspens

Si l’on peut dire que l’harmonisation européenne des règles de protection du consommateur dans le secteur de l’e-commerce est un progrès certain, tout n’est pas encore fait à ce jour. En effet, les choses se compliquent a posteriori c’est-à-dire au niveau du contrôle du respect de la réglementation. En ce domaine, tous les Etats membres ne sont pas égaux et la gestion des plaintes reste du ressort de chaque Etat. Pour le moment, la seule avancée réelle en la matière est la mise en place au niveau européen du RLL (Règlement en ligne des litiges), une plateforme qui permet au consommateur d’introduire une plainte gérée selon un mécanisme extra-judiciaire. Mais pour le moment, et dans un contexte général assez peu europhile, les chances d’aller plus loin sont minces. Aussi, actuellement, trois situations sont à envisager en cas de non-respect de la loi. Premièrement, l’intervention des autorités publiques qui vont prononcer une sanction contre le commerçant. Le risque est faible, surtout en Belgique où les autorités vont d’abord délivrer une mise en demeure. « Cela peut même avoir un effet pervers puisque certains commerçants attendent d’être contrôlés pour se mettre en règle » Deuxièmement, le consommateur se plaint, mais « il faut être assez têtu pour le faire car c’est du temps que l’on perd en allant en justice pour obtenir gain de cause ».  Et de l’argent. Pour des paniers en dessous de cent euros (plus de 2/3 des cas), peu de clients iront porter plainte. Enfin, il faut envisager le cas de la plainte du concurrent pour concurrence déloyale du fait du non-respect de la législation. Ce cas-là est le plus problématique pour l’e-commerçant car il doit alors faire face à une demande d’indemnisation.

Outre ce qui précède, le vendeur œuvrant dans le secteur du commerce électronique doit nécessairement se confronter au casse-tête des différents taux de TVA en vigueur selon l’Etat membre. Ceci représente une grande charge administrative pour le commerçant. Pour les prestations de services, depuis 2015, ce taux ne s’applique plus selon le pays d’établissement du vendeur, mais selon celui de l’acheteur et il y a maintenant possibilité de faire une déclaration unique au niveau européen. En ce qui concerne les marchandises matérielles par contre, le commerçant doit non seulement appliquer le bon taux de TVA selon le pays d’achat et verser le montant encaissé à l’Etat concerné, mais également effectuer toutes les démarches administratives en vigueur pour les assujettis dans chacun de ces Etats. Pour éviter ces complications, l’e-commerçant a deux possibilités. La première consisterait à vendre exclusivement sur le territoire national. Or, ceci est pratiquement impossible surtout lorsque le marché domestique est déjà restreint comme c’est le cas en Belgique. Ceci signifie que même les petits acteurs doivent se tourner vers l’exportation dans la plupart des cas sauf s’il s’agit d’une activité propice aux circuits courts. On pense au mariage heureux entre le commerce électronique et la production de marchandises artisanales, alimentaires ou non. Sinon, « c’est une erreur de ceux qui se lancent de se dire qu’ils vont d’abord commencer petit en ciblant non pas le marché belge, mais le marché belge francophone par exemple, et pas la France car c’est trop grand ! Il suffit qu’on exploite une niche et seule une fraction de % de la population peut-être est concernée. Sans parler des concurrents. Au final, on arrive difficilement à un millier de clients, cela ne permet pas de vivre. Il faut faire de l’exportation. » L’autre possibilité pour éviter les tracasseries liées à la TVA est de ne pas dépasser un certain seuil annuel de chiffre d’affaires dans un autre pays. Au niveau communautaire, ce seuil varie d’un pays à l’autre tout en restant compris dans une fourchette allant de 35.000 euros à 100.000 euros. La difficulté est qu’en matière de ventes en ligne, ces montants peuvent être assez vite atteints. Puis, il faut aussi que le seuil ne soit pas revu à la baisse par l’Etat dans lequel les ventes sont réalisées. Le cas français est ici tout à fait parlant. « Pour des raisons budgétaires, l’Assemblée nationale a baissé le seuil minimal à partir duquel la TVA doit être reversée en France. On est passé de 100.000 à 35.000 euros par an ! Cela veut dire que tout e-commerçant qui dépasse ce seuil doit désormais faire sa déclaration auprès des autorités fiscales françaises et reverser la TVA dans ce pays pour tous les biens qu’il a vendu à des consommateurs de ce pays. Cela a été voté fin décembre dernier et c’est d’application depuis le 1er janvier 2016 ! » On imagine aisément le stress que peut provoquer ce genre de réformes votées en catimini. Parfois, ce sera plus que cela. La conséquence peut être le dépôt de bilan. Puis, si la France abaisse son seuil de cette manière, il y a de fortes chances pour que l’Allemagne suive et passe également de 100.000 à 35.000 afin de ne pas donner d’avantages comparatifs aux e-commerçants français au détriment des Allemands. « C’est un jeu à vases communicants ». Au final, l’harmonisation des seuils est prévisible mais cela se fera à la baisse et il y aura vraisemblablement un alignement autour du seuil de 35.000 euros annuels de C.A. possibles au-delà duquel il faudra s’acquitter de la TVA dans le pays du consommateur.

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