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E-business : la croissance viendra de la confiance
4/20/16

Concrètement, la directive impose aux magasins en ligne ou e-shops de mettre à disposition des clients un formulaire-type de rétractation, de mieux exposer l’identité du vendeur par plus de transparence, d’avertir explicitement le consommateur avant qu’il soit engagé à payer. De plus, le délai pendant lequel il est possible de faire jouer son droit de rétractation a été fixé à 14 jours, et ce dans tous les Etats membres. Si l’on rentre un peu plus dans les détails, et selon la réglementation mise en place par la directive, il ne devrait plus y avoir les fameuses options pré-cochées, les frais de livraison doivent être mentionnés dès la présentation de l’offre ainsi que les modes de paiement acceptés. Il est également obligatoire de présenter un récapitulatif de la commande avec la possibilité de revenir en arrière.

Le droit de rétractation, un argument de vente

Mais la mesure phare est bien entendu l’exercice du droit de rétractation. « Il faut savoir que ce droit est tout à fait gérable. Il est en fait peu souvent  exercé dans la pratique alors qu’il est inconditionnel. Ce droit existe également dans le secteur de la vente par correspondance classique mais pas pour le commerce en magasin. Dans ce dernier cas, la possibilité de se rétracter est parfois offerte, en tant que proposition commerciale ou non comme un droit», précise Damien Jacob. Pour le consommateur, il consiste à demander l’annulation d’une commande alors que le contrat a bien été respecté par le vendeur, tant en ce qui concerne la livraison et la conformité avec la commande qu’en ce qui concerne l’absence de défauts. L’objectif est de compenser l’impossibilité d’examen du produit par l’acheteur avant la contractualisation. Aucune motivation n’est requise et cela ne doit comporter aucun frais pour le client. En revanche, comme expliqué plus haut, cela doit se faire dans un délai de 14 jours à dater de la livraison du bien ou de la conclusion d’un contrat de prestation de services « et par défaut selon le même mode de paiement utilisé par l’acheteur sauf s’il accepte un autre système. » Ce droit connaît quelques exceptions citées par Damien Jacob dans son chapitre consacré au sujet. Par exemple, le secteur des transports n’est pas concerné par ce droit de rétractation. On le sait, si vous achetez un billet d’avion pour un vol exécuté par une compagnie européenne et que vous êtes dans l’impossibilité de voyager, seule une assurance contractée à cet effet pourra vous aider à obtenir un remboursement, pour autant que vous vous trouviez dans une des situations reprises dans la liste des cas justifiant l’annulation.

En dehors de ces exceptions prévues par la loi, on peut évidemment s’interroger sur le caractère proportionnel du droit de rétractation qui peut donc être exercé sans aucune motivation. Cela peut sembler à première vue assez injuste pour l’e-commerçant car après tout, rien n’oblige le consommateur à acheter en ligne. Il faut cependant savoir que ce droit existait auparavant mais qu’il différait au niveau des délais et des modalités selon les législations nationales. Ceci était susceptible de mettre le vendeur dans une situation difficile et en tout cas dans une certaine insécurité juridique. L’harmonisation européenne complète a donc eu le grand mérite de clarifier les règles d’application du droit de rétractation et donc, de simplifier la vie de l’e-commerçant.

Pourtant, celui-ci ne l’a pas forcément perçu comme tel. Ainsi, selon une étude réalisée par des étudiants(2) du Professeur Jacob en décembre 2014, soit six mois après l’entrée en vigueur en Belgique de la nouvelle réglementation, sur 32 sites audités, seuls deux étaient complètement en ordre. Parmi les infractions relevées, la plus fréquente était l’inexistence d’un formulaire type de rétractation à télécharger. Il ressort que le non-respect de la réglementation européenne résulte plus d’une méconnaissance de celle-ci que d’une violation délibérée. Cependant, il faut également souligner que le changement est vu aussi comme une source de nouvelles complications et charges administratives. En effet, pour être tout à fait en règle, l’e-commerçant doit entreprendre une triple adaptation. Celle-ci touche tout d’abord le texte des conditions générales de vente et la rubrique « mentions légales ». Les procédures internes de service après-vente doivent par ailleurs être revues. Enfin, des modifications doivent être apportées aux différentes étapes du processus de commande en ligne, ce qui nécessite de revoir la programmation informatique du site Internet. Autrement dit, cela engendre des coûts si l’on se concentre sur une vision de court-terme. Celle-ci constitue toutefois souvent la seule stratégie de l’entreprise qui est trop dépendante de la conjoncture économique. Tenir ce raisonnement place néanmoins l’e-commerçant dans un cercle vicieux où ne tenant pas assez compte de l’impact du degré de confiance du consommateur sur la bonne santé économique de son entreprise, il risque d’être à la longue mis hors-jeu par ses concurrents. Tout semble montrer que se montrer plus proactif permettrait au vendeur de développer plus vite son marché. « Il y a un pays qui s’est montré proactif dans cette protection du consommateur, c’est l’Allemagne. Avec le recul, on voit que le résultat est très positif : les Allemands achètent en toute confiance car ils se savent protégés. Le succès de Zalando par exemple est lié notamment à cette réglementation, même si l’entreprise était de toute façon obligée de s’y conformer. Les e-commerçants ont dû adapter leur logistique en ce sens pour que cela coûte le moins cher possible. » Evidemment, toutes les entreprises ne peuvent pas se targuer d’une telle réussite. Il est clair que pour les grands acteurs du secteur, il est plus facile de s’adapter rapidement. eShopping returnLeur force réside dans le service, et ils réalisent les économies d’échelle nécessaires pour atteindre ce niveau. Si on prend l’application concrète du droit de rétractation, il est évident que « les grosses boîtes ont toute une équipe qui gère cette question et notamment la négociation de conditions et de prix très avantageux auprès des sociétés d’acheminement des colis comme Bpost. Le petit e-commerçant ne pourra pas obtenir les mêmes conditions que Zalando, que ce soit pour le service d’expédition ou pour le service du retour ».

(2) Etudiants en « e-droit », en 3ème année de « Bachelor en e-business », à la Haute Ecole de la Province de Liège.

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