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L’orientation sexuelle sous toutes ses coutures
13/04/2016

Quand le milieu hormonal est chamboulé par la maladie

Chez l’être humain, cette différence de taille du noyau sexuel dimorphique a été observée déjà en 1993. « C’est vieux mais encore assez méconnu, surtout en France où on ne parle pas de l’influence de la biologie sur l’homosexualité », reprend le Professeur. « Cette zone du cerveau a été analysée histologiquement chez l’humain à partir du cerveau de personnes décédées lors de l’épidémie de SIDA. Mais l’observation de cette différence ne constitue pas une preuve formelle car il est difficile d’être sûr de l’orientation sexuelle de quelqu’un avant sa mort et certains disent que la taille réduite du noyau sexuel dimorphique est une conséquence et non une cause de l’homosexualité ». Chez le rat et chez le mouton, les scientifiques ont prouvé qu’il s’agit d’une conséquence de l’action des hormones prénatales et que la taille de ce noyau est corrélée à l’orientation sexuelle de ces animaux. Il est donc tentant de penser que les mêmes mécanismes pourraient sévir chez l’être humain…

D’autres arguments de l’influence des hormones embryonnaires sur l’orientation sexuelle humaine viennent s’ajouter à cela. Il existe notamment des maladies qui affectent le milieu hormonal embryonnaire et qui sont associées à une modification de l’orientation sexuelle. Par exemple,  l’hyperplasie des glandes surrénales consiste en un développement anormal de ces glandes qui ne sécrètent alors plus de cortisol mais produisent à la place des androgènes. « Les filles atteintes sont donc exposées pendant leur vie embryonnaire à des taux d’hormones masculines beaucoup plus élevés que normal. Il en résulte une masculinisation des structures génitales. Certaines naissent avec une fusion des lèvres ou un clitoris de la taille d’un pénis etc. », explique Jacques Balthazart. Bien souvent ces anomalies sont corrigées à la naissance et les enfants sont élevés comme des petites filles. Mais, côté comportement, on observe qu’elles ont tendance à jouer à des jeux plutôt masculins et qu’à l’âge adulte, l’incidence de l’homosexualité féminine chez ces jeunes filles est de l’ordre de 20 à 40% selon les études. « On peut donc penser que cet excès d’androgènes pendant la vie prénatale amène à une masculinisation des préférences sexuelles », poursuit le scientifique.  « Et plus l’incidence de la sécrétion d’androgènes prénataux est importante plus la proportion d’homosexualité augmente. C’est un des arguments de l’influence des hormones sur l’orientation sexuelle chez les humains. »

Enfin, toute une série de caractéristiques de l’être humain sont influencées par les hormones prénatales et peuvent être corrélées à l’orientation sexuelle des individus. Une série de choses sont masculinisées par la testostérone prénatale. La longueur relative du 2ème et 4ème doigt de la main droite, par exemple. « Les hommes ont en général un 2ème doigt plus court que le 4ème », indique Jacques Balthazart. « Et les femmes homosexuelles ont statistiquement un 2ème doigt plus court que le 4ème également, ce qui suggère qu’elles ont été exposées à un excès de testostérone. Bien sûr cela ne fonctionne pas au niveau individuel mais c’est confirmé au niveau statistique ».

FIG 2 Orientation sexuelle

Malheureusement il est très compliqué d’obtenir la preuve formelle de l’influence des hormones embryonnaires sur l’orientation sexuelle. En effet, il y a énormément de variance puisque les perturbations hormonales peuvent survenir à différents stades de la vie embryonnaire. Cette preuve pourrait éventuellement être obtenue grâce à un suivi des personnes depuis le stade embryonnaire jusqu’ à leurs 25 ans. « Dans l’idéal, il faudrait faire des prises de sang à des embryons et observer l’orientation sexuelle qu’ils prendraient à l’âge adulte. C’est à la fois éthiquement inacceptable et personne n’a les moyens de faire une telle étude », précise le scientifique.

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