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Les quatre saisons des fonctions cognitives
23/03/2016

Des chercheurs du GIGA-CRC-In Vivo Imaging de l'Université de Liège ont pu réaliser, en collaboration avec des scientifiques du Surrey Sleep Research Centre, en Angleterre, une étude de la saisonnalité des fonctions cognitives humaines dans des conditions strictement contrôlées. Ces travaux, dont le premier auteur est le docteur Christelle Meyer, ont été publiés le 8 février 2016 par la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS) (2).

Les chercheurs ont mesuré l'activité cérébrale de 28 volontaires en bonne santé âgés d'une vingtaine d'années, hommes et femmes, à différents moments de l'année. Lors de leur visite au laboratoire, les participants étaient privés de tout repère saisonnier. Ainsi, ils n'avaient plus accès à la lumière du jour, à Internet, à un téléphone et, plus globalement, à aucune information émanant de l'extérieur. L'expérimentation durait en tout quatre jours et demi pendant lesquels leur vie se déroulait dans des conditions standardisées. Ces dernières étaient même pratiquement constantes durant les deux derniers jours et demi. « La lumière du laboratoire était tamisée, tandis que la température et d'autres paramètres  qui varient habituellement avec les saisons étaient maintenus constants, rapporte Gilles Vandewalle. Les sujets dormaient 8 heures, puis devaient rester au lit en position semi-couchée durant 42 heures au cours desquelles ils étaient privés de sommeil et prenaient une collation protéinée toutes les 2 heures. Ensuite, ils redormaient 12 heures, avant de se replacer, éveillés, en position semi-couchée pendant une heure et d'être finalement emmenés sur un brancard jusqu'à un équipement d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). »

Variations saisonieres reponses cerveau

Solstices et équinoxes

C'est là, alors qu'ils avaient pu récupérer complètement de leur période de 42 heures sans sommeil, qu'ils furent conviés à accomplir deux tâches tandis que leur activité cérébrale était enregistrée. Baptisée Psychomotor Vigilance Task, la première épreuve, très simple, était de nature attentionnelle. Elle consistait à pousser le plus vite possible sur un bouton lorsqu'un chronomètre se déclenchait au terme d'un délai aléatoire. Dans la seconde tâche, appelée 3-back, les participants se voyaient énoncer des lettres, l'une après l'autre. Quand ils entendaient une lettre, il leur incombait d'indiquer si elle était identique à la lettre proposée trois étapes auparavant. Par exemple, quand était énoncée la cinquième lettre, ils devaient dire si elle était la même que la deuxième. Il s'agissait donc d'une tâche de mémoire de travail faisant intervenir des fonctions exécutives, processus cognitifs de haut niveau qui nous permettent de nous adapter à notre environnement lorsque les routines d'action ne peuvent suffire. Sur le plan cognitif, la seconde tâche était évidemment plus complexe à réaliser que la première. Il fallait se souvenir d'informations précédentes, inhiber des données non pertinentes, effectuer des comparaisons...

La question était : lors de l'accomplissement de chacune des deux tâches, le fonctionnement cérébral allait-il fluctuer selon une rythmicité saisonnière ? La réponse fut positive. Bien que le niveau des performances des sujets restât constant tout au long de l'année, leur cerveau, lui, était significativement affecté dans son fonctionnement par les saisons. Dans la tâche d'attention, les variations se manifestèrent tant au niveau du thalamus et de l'amygdale, régions impliquées dans la vigilance, qu'au niveau d'aires frontales et de l'hippocampe, structures intervenant dans le contrôle exécutif. Des variations saisonnières furent également détectées dans le globus pallidus, le gyrus parahippocampique, le gyrus fusiforme, le gyrus supramarginal et le pôle temporal. « Toutes les régions mises à contribution étaient affectées de la même manière dans leur fonctionnement, explique Gilles Vandewalle. Autrement dit, elles présentaient toutes les mêmes variations d'activité sous le poids des saisons. »

(2) Christelle Meyer, Vincenzo Muto, Mathieu Jaspar, Caroline Kussé, Érik Lambot, Sarah Laxhmi Chellappa, Christian Degueldre, Éveline Balteau, André Luxen, Benita Middleton, Simon N. Archer, Fabienne Collette, Derk-Jan Dijk, Christophe Phillips, Pierre Maquet et Gilles Vandewalle, Seasonality in human cognitive brain responses, PNAS 2016 Feb 8. http://www.pnas.org/content/early/2016/02/04/1518129113.abstract .

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