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Coma et états de conscience altérée
31/01/2012

En un sens, votre livre était une nécessité si l'on se réfère au pourcentage d'erreurs de diagnostic relevées chez les patients gravement cérébrolésés ?

On considère qu'environ 40% des diagnostics posés en milieu hospitalier sont erronés, des personnes étant déclarées en coma ou en état végétatif alors qu'elles se trouvent en état de conscience minimale ou prisonnières d'un locked-in syndrome (Lire Emmuré dans un corps immobile). Un tel taux d'erreurs est attribuable au fait que beaucoup de centres n'utilisent pas d'outils sensibles. On observe souvent une méconnaissance par rapport à l'existence de ces derniers, mais également par rapport aux critères permettant de distinguer un état conscient d'un état non conscient. Ces lacunes ont trait tant aux échelles comportementales qu'aux techniques paramédicales donnant accès au métabolisme cérébral, donc aux réponses du cerveau.

La médecine de réanimation a fait de tels progrès ces dernières années qu'elle a sauvé de nombreuses vies pour lesquelles n'aurait subsisté aucun espoir auparavant, mais au prix d'une multiplication du nombre de patients gravement cérébrolésés. Aussi, plus que jamais, est-il essentiel que la prise en charge de ces patients s'effectue en recourant aux meilleurs moyens disponibles. En Belgique s'est d'ailleurs développé récemment un réseau fédéral rassemblant plus de 30 centres. Nous avons pu obtenir qu'ils utilisent tous des échelles sensibles et standardisées d'évaluation de la conscience, comme la Coma Recovery Scale-Revised, l'Échelle de récupération du coma, afin d'assurer une plus grande fiabilité du diagnostic et une prise en charge optimale des patients en état végétatif et en état de conscience minimale. Dans ce contexte, un des objectifs de notre livre est de sensibiliser le corps médical à l'intérêt des divers outils disponibles.

L'état de conscience minimale a été décrit en 2002 par Joseph Giacino, actuellement à l'Université Harvard, avec qui vous collaborez depuis plusieurs années. Chez les patients concernés subsiste une conscience résiduelle fluctuante. En outre, vous avez démontré que leurs chances de récupération sont meilleures que celles des patients en état végétatif et, contrairement à ces derniers, qu'ils éprouvent la douleur physique. Démêler l'écheveau constitue donc aujourd'hui un enjeu médical et éthique fondamental ?

Etapes-de-recuperationAssurément. L'exactitude du diagnostic permet d'éviter des drames humains. La barrière entre l'état végétatif et l'état de conscience minimale est parfois assez floue, les états de conscience altérée se situant sur un continuum. Il faut utiliser l'ensemble des outils disponibles pour trancher les cas limites. Évidemment, tous les centres ne sont pas équipés de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, par exemple. Mais les moyens sur lesquels ils peuvent s'appuyer, en particulier les échelles comportementales et l'électrophysiologie, devraient le plus souvent suffire à l'établissement d'un diagnostic circonstancié, le tout étant d'employer ces moyens dans les règles de l'art. Si nécessaire, le patient peut être acheminé vers un centre doté d'un TEP scan pour un examen de son métabolisme cérébral. C'est ainsi que le Coma Science Group accueille toute l'année, durant une semaine, des patients venus d'autres établissements européens pour obtenir à Liège un bilan complet de leur état.

Une chose est certaine : il est primordial de réévaluer le patient à plusieurs reprises tant sur le plan comportemental qu'avec les outils d'électrophysiologie, l'IRMf, le TEP, etc., car on sait que les capacités d'une personne en état de conscience minimale fluctuent, qu'il y a des « jours avec » et des « jours sans ». De surcroît, chez les personnes présentant des problèmes de paralysie ou de compréhension du langage, il s'avère extrêmement ardu de détecter des signes de conscience via les échelles comportementales. Il faut alors tirer le meilleur parti de l'ensemble des outils paracliniques existants. Par les informations qu'il diffuse, notre livre sensibilise les soignants au champ des possibilités qui leur sont offertes à l'heure du diagnostic et de la prise en charge. En règle générale, on arrive à établir le bon diagnostic si on utilise adéquatement la panoplie des outils disponibles aujourd'hui.

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