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Coma et états de conscience altérée
31/01/2012

La question du pronostic relatif aux patients récupérant du coma représente également un enjeu primordial ?

Un bon diagnostic n'est pas tout. Il est essentiel, en effet, de pouvoir déterminer les chances de récupération des patients. D'autant que la connaissance de ce paramètre revêt une importance capitale pour les décisions de fin de vie. Un projet fédéral coordonné par Marie-Aurélie Bruno a été mis sur pied afin de suivre l'évolution de patients gravement cérébrolésés sortis du coma. Plus de 500 individus ont été évalués après un, trois, six et douze mois. Les uns se trouvaient en état végétatif ; les autres, en état de conscience minimale. L'étude opérait en outre une distinction, au sein de ces deux catégories, selon que les lésions des patients étaient d'origine traumatique ou non (accident vasculaire cérébral, tumeur...).

Dans cette étude multicentrique, tous les centres utilisaient le même outil d'évaluation : l'Échelle de récupération du coma, validée par le Coma Science Group en 2008. Il apparut que plus les signes de conscience étaient précoces, meilleure était la récupération d'une communication fonctionnelle, définie comme la capacité de répondre positivement ou négativement à une question. Autrement dit, le pronostic est d'autant plus favorable que le sujet accède rapidement à l'état de conscience minimale. D'autre part, les patients dont les lésions sont d'origine traumatique sont mieux lotis que les autres. Pourquoi ? Parce que les lésions dont ils souffrent sont souvent relativement focales, tandis que chez les patients ayant subi une anoxie (manque d'oxygène au cerveau), par exemple, une partie plus étendue du cerveau est généralement touchée.

Concrètement, que nous apprennent les statistiques ? Que 23% des patients en état végétatif récupèrent une communication fonctionnelle après un an si leurs lésions sont traumatiques, contre seulement 2% si elles ont une autre étiologie. Les chiffres sont respectivement de 48 et 26% en cas d'état de conscience minimale.

Au-delà des échelles comportementales se développent d'autres approches pronostiques, qui se fondent sur la spectroscopie - celle-ci s'intéresse au métabolisme des neurones dans les régions du réseau de la conscience - et sur l'imagerie par tenseurs de diffusion, technique permettant de détecter des lésions axonales et des désordres dans l'organisation architecturale des fibres nerveuses de la substance blanche.

Couplées à d'autres examens plus classiques, ces techniques, en phase de validation, visent non seulement à établir, dès les premières semaines suivant l'entrée du patient dans le coma, s'il va recouvrer ou non un état conscient, mais aussi s'il conservera des séquelles et lesquelles. Ces questions sont actuellement au cœur d'une étude multicentrique française, à laquelle est associé le Coma Science Group.

Établir une communication avec les patients disposant d'une conscience résiduelle est un de vos objectifs majeurs. Nous entrons ici dans le monde de l'interface cerveau-ordinateur ?...

En 2006, dans le cadre d'une collaboration entre le Coma Science Group et l'Université de Cambridge, le recours à l'IRMf nous a permis de détecter la présence d'une conscience résiduelle chez une patiente anglaise qui présentait les signes cliniques de l'état végétatif. Nous lui avons demandé de réaliser activement deux tâches d'imagerie mentale : d'une part, s'imaginer en train de jouer au tennis et, d'autre part, s'imaginer en train de se promener dans sa maison. Nous avons montré que la cartographie de ses activations cérébrales coïncidait chaque fois avec celle enregistrée préalablement chez des volontaires sains confrontés aux mêmes tâches d'imagerie.

Coma et états de conscience altérée3En 2010, grâce à l'IRMf en temps réel, nous avons réussi à « dialoguer » à Liège avec un patient qui avait été initialement considéré comme étant en état végétatif, alors qu'il disposait en fait d'une conscience résiduelle. Nous lui avons posé des questions simples auxquelles il devait répondre par oui ou par non. L'IRMf en temps réel n'étant pas assez précise pour caractériser les patterns d'activations cérébrales respectifs du « oui » et du « non », nous avions donné pour instruction au patient de s'imaginer occupé à jouer au tennis s'il voulait répondre par l'affirmative à une question et de s'imaginer déambulant dans sa maison si la réponse qu'il voulait fournir était négative. Il s'avéra qu'il répondait correctement aux questions posées et, partant, que nous étions entrés en communication avec lui.

L'IRMf étant une technique à la fois lourde et coûteuse, le projet européen DECODER, auquel participe le Coma Science Group, ambitionne la mise au point d'outils de communication fiables, portables et bon marché. La voie la plus explorée à l'heure actuelle est celle des potentiels évoqués cognitifs, qui fait appel à l'électroencéphalographie

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