Exploiter notre mémoire contre la dépression
Les psychologues s'intéressent de plus en plus à une catégorie particulière de souvenirs : les souvenirs définissant le soi qui, comme leur nom l'indique, sont censés être le reflet de ce qu'est vraiment la personne qui les énonce. Avec ses valeurs, ses buts et ses croyances. Dans un article publié récemment par la revue Acta Psychiatrica Belgica, quatre chercheurs de l'Université de Liège soulignent l'intérêt clinique de ces souvenirs pour la prise en charge des patients souffrant d'un trouble dépressif unipolaire. De plus en plus d'auteurs préconisent en effet aujourd'hui de développer des thérapies axées sur les souvenirs définissant le soi. Faire émerger ceux-ci doit permettre d'accéder aux thèmes des ruminations mentales, très fréquentes, qui caractérisent l'état dépressif. Or agir sur ces ruminations constitue une voie thérapeutique importante. Des souvenirs à haute valeur ajoutéeAu sein de l'Unité de psychologie clinique comportementale et cognitive de l'Université de Liège (ULg), Aurélie Wagener, doctorante, Marie Boulanger, assistante, et le professeur Sylvie Blairy, présidente de la Clinique psychologique et logopédique universitaire, s'intéressent à une classe de souvenirs autobiographiques particuliers : les « souvenirs définissant le soi » (en anglais, self defining memories), concept élaboré en 1993 par les psychologues américains Jefferson Singer et Peter Salovey(1). De quoi s'agit-il ? De souvenirs autobiographiques dont on peut dire succinctement qu'ils caractérisent très bien une personne, qu'ils permettent de définir et d'expliquer qui elle est vraiment. Souvent récapitulés, ils présentent un lien direct avec une préoccupation persistante ou un conflit non résolu et sont révélateurs des valeurs, objectifs et croyances qui habitent un individu. Selon Martial Van der Linden, ils sont la cristallisation des liens entre l'identité, la conscience et la mémoire. Quatre dimensionsLes souvenirs définissant le soi peuvent être évalués sur plusieurs dimensions. Tout d'abord, la spécificité. De fait, ils se réfèrent tantôt à un événement bien déterminé (la naissance de mon fils...), tantôt à une période de vie (mes études en Australie...), ou alors ils ont trait à un événement qui s'est répété à l'identique dans le temps (les repas du mercredi avec mon patron...). Une autre dimension est évidemment celle du contenu, lequel peut donner lieu à une tension repérable par l'expression d'un malaise, d'un désaccord ou d'une gêne ressentie par l'un des protagonistes de l'événement rapporté. ![]() (1) Singer J. et Salovey P., The remembered self: Emotion and memory in personality, New York: Free Press, 1993. |
|
|||||||||||||||||||||
© 2007 ULiège
|
||