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Le mystère de l’extinction des ichtyosaures
08/03/2016

Les chercheurs ont en outre essayé de quantifier la vitesse d’évolution des ichtyosaures. A quel rythme de nouvelles caractéristiques vont-elles apparaître au cours du temps, par million d’années ? Combien de nouvelles espèces ? « Les taux d’évolution au Crétacé sont tous très bas, constate Valentin Fischer. Le taux d’évolution morphologique est lui très bas depuis longtemps et le taux d’apparition de nouvelles espèces n’est bas qu’à partir de la fin du Jurassique. Jamais auparavant nous n’avions constaté cette combinaison entre ces deux faiblesses d’évolution, aussi bien des espèces que des caractéristiques. Les ichtyosaures semblent avoir connu une évolution intense au début de leur existence, au Trias et au Jurassique, puis il n’y a plus eu de grandes évolutions rapides. Le Crétacé c’est l’héritage de ce qui s’est joué plus tôt. Ainsi, il n’y aura par exemple pas apparition d’une nouvelle niche écologique. C’est ce qui est résumé dans la première partie du titre de notre article : l’extinction est accompagnée d’une faible évolution. »

Mais pourquoi ont-ils disparu ?

Résumons : à ce stade des recherches, nous sommes en présence d’un groupe d’animaux à la fois disparates et diversifiés –donc aptes à affronter des changements- et dont l’absence d’évolution semble montrer qu’ils sont bien adaptés à leurs milieux respectifs. Comment, alors, expliquer leur disparition ?

« Une dernière partie de la recherche a consisté à examiner une série de signaux comme le niveau des mers, la température globale et les variations du cycle du carbone et les comparer aux taux d’extinction. Mais, précise Valentin Fischer, nous l’avons fait de manière inédite. Les études de ce type portent en général sur des moyennes. Ainsi, on compare habituellement diversité des espèces et niveau des mers sur des paquets de plusieurs millions d’années. Mais est-ce que cela a du sens ? En procédant ainsi, on ne tient pas compte des éventuelles fluctuations fines qui se produisent à l’intérieur de périodes aussi longues. Ainsi, la variation du niveau des mers peut être importante alors que la courbe des moyennes est très lisse. »

Et l’analyse s’est avérée payante pour deux des trois variables, la température et le niveau des mers. Les chercheurs ont ainsi montré que le taux d’extinction des ichtyosaures est plus important lors des périodes présentant des fluctuations rapides et importantes. Ce n’est donc pas tant la valeur du niveau marin ou de la température qui importe, mais les fluctuations de ces paramètres. Les fluctuations trahissent en fait des changements climatiques importants comme des prises ou des fontes de glace, des ralentissements de la circulation thermohaline, etc. Ce n’est pas l’augmentation du niveau marin en tant que tel qui va tuer les ichtyosaures mais les changements climatiques importants et brutaux (sur quelques milliers d’années tout de même…) qui ont pu toucher leur zone de reproduction, leur nourriture, etc.

Ichtyosaure Dauphin

Deux phases d’extinction

Affinant leurs analyses, les chercheurs ont ainsi remarqué que l’extinction des ichtyosaures semble s’être déroulée en deux phases.
Lors de la première, la diversité écologique disparaît. Tous les fossiles datant du Crétacé supérieur n’appartiennent qu’à une seule niche : les ichtyosaures à grandes dents, ceux qui sont au sommet de la chaîne alimentaire. Les deux autres niches (les populations à grands yeux et petites dents et les intermédiaires) ont disparu.

Il est évidemment légitime de se demander si cela ne traduit pas un biais dans l’enregistrement fossile. Autrement dit, les paléontologues n’ont peut-être tout simplement pas trouvé les « bons » fossiles. Pour contourner cette objection, les chercheurs ont alors regardé d’autres enregistrements fossiles, ceux d’autres reptiles marins comme les plésiosaures, les tortues etc. Résultat ? Le nombre de formations géologiques dans lesquelles des fossiles de ce type ont été trouvés augmente pendant le Cénomanien (période du Crétacé pendant laquelle s’est produite l’extinction des ichtyosaures, à savoir de -100,5 à -93,9 millions d’années). C’est uniquement le nombre de fossiles d’Ichtyosaures qui diminue. La qualité d’enregistrement des fossiles est donc bonne mais c’est la proportion de fossiles d’ichtyosaures qui chute drastiquement. Il y a donc bien eu deux phases d’extinction s’étalant sur 5-6 millions d’années. C’est court mais ce n’est pas catastrophique, brutal.

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