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Les territoires périurbains
07/03/2016

La « choralogie », une notion qui a de l'avenir

Jan Bogaert insiste sur la nécessité d'élargir l'échelle d'intervention à la fois dans l'espace et dans le temps. "On considère trop souvent l'espace terrestre comme une ressource illimitée. Or elle est aussi limitée que l'eau, l'énergie ou la biodiversité. Sans espace suffisant, ce sont les services écosystémiques à la collectivité qui sont tout bonnement compromis". De là, la nouvelle notion proposée par l'expert : la "choralogie". Il s’agirait d’une nouvelle approche transdisciplinaire basée sur le constat que la ressource foncière – le sol – est rare, et que son utilisation doit être réfléchie. "Vu de Belgique ou d'Europe, cette notion de parcimonie du sol apparaît comme une évidence, reconnaît Jan Bogaert. Mais, ailleurs, elle ne parvient pas à pénétrer les mentalités. Or, la vitesse à laquelle on consomme l'espace a de lourdes conséquences en matière de déforestation, de surexploitation et de désertification. Dans une période de stagnation des rendements agricoles et de difficultés croissantes pour exploiter de nouvelles terres, c'est tout simplement la capacité – ou non – de nourrir la planète qui est en jeu."

Les deux chercheurs en viennent à développer l'un des messages les plus forts de l'ouvrage : il faut impérativement tenir compte des besoins de la base ; pas seulement ceux qui sont formulés par les autorités locales (qu'elles soient issues d'une administration centrale ou encore inspirées par l'organisation tribale), mais bien ceux des populations elles-mêmes. En matière d'urbanisme, le propre de l'approche culturaliste est d'accorder une grande importance aux contextes locaux, d'interroger la population sur ses besoins et de l'associer aux processus de décision et de réalisation des projets. "Par exemple, pourquoi ne pas s'inspirer des contrats de rivière tels qu'ils existent notamment en Wallonie, suggère Jean-Marie Halleux. L’article de notre ouvrage consacré à l’application de ce dispositif wallon à Kinshasa démontre qu’il est possible de créer des espaces de dialogue et de favoriser les interactions positives entre les décideurs et les habitants". Autre exemple probant : à Caracas (Venezuela), une initiative gouvernementale a conduit la société publique des eaux à s'associer à des comités de quartier pour construire des canalisations dans les zones périurbaines. Non seulement l'eau s'en est retrouvée mieux distribuée (à toutes les strates de la population) mais, en plus, la représentation politique dans la zone périurbaine concernée en est sortie améliorée, grâce à la dynamique collective ainsi créée...

Selembao

Au-delà de l'aide à la survie, l'aide au développement

Les deux experts ne sont pourtant pas exagérément optimistes : en dépit des quelques expériences encourageantes comme celles-là (il en existe d'autres, y compris en Afrique), beaucoup reste à faire et à inventer. C'est que deux écueils majeurs se profilent. "Au Sud, et tout particulièrement dans un pays comme la République démocratique du Congo, la préoccupation immédiate de 95 % de la population consiste à assurer sa survie jusqu'au lendemain, constate Jan Bogaert. Or, ces nouvelles stratégies de gouvernance participative exigent de la disponibilité, du temps. Allez donc demander au père ou à la mère de huit enfants de participer à dix ou quinze réunions pour discuter d'un horizon temporel éloigné!". Deuxième écueil, souligné cette fois par Jean-Marie Halleux: "Sans même parler de prévarication ou de corruption, les réformes de gouvernance ou administratives des mandataires politiques ne sont généralement pas très payantes en terme électoral ou de popularité auprès de la population. Ces mandataires se sentent généralement tenus de présenter des projets grandioses aux populations, or ceux-ci ne sont pas nécessairement bien réfléchis, construits, mûris pour être efficaces à long terme". Ces deux obstacles poussent les chercheurs à plaider pour une politique d'aide au développement qui, face à l'évolution démographique et à ses corollaires spatiaux, accompagnerait en profondeur les pays du Sud dans la création de systèmes de pension, de sécurité sociale, de prise en charge des malades et des sans emploi, etc.

Au delà de cette conclusion transversale forte, l'ouvrage coordonné par les deux experts – l'un issu du site liégeois, l'autre du site gembloutois – est le symbole d'une collaboration intensifiée entre les facultés et départements de l'ULg. Un peu à l'instar de celle qui se renforce entre l'Université liégeoise et l’École Régionale Post-Universitaire d'Aménagement et de gestion intégrée de Forêts et Territoires Tropicaux (ERAIFT), basée à Kinshasa. C'est là, en effet, qu'est hébergée depuis la fin 2013, la plateforme Afrique centrale de l'ULg créée par le PACODEL. "Beaucoup de nos professeurs et chercheurs sont déjà mobilisés à Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Bukavu mais aussi au Bénin, au Burundi et jusqu'à Madagascar et au Vietnam, s'enthousiasme Jan Bogaert. La thématique périurbaine est une occasion unique pour en drainer bien d'autres encore, issus de toutes les facultés sans exception, vers l'aide au développement. Parmi d'autres missions, la plateforme permettra de renforcer la collaboration avec les universités du Sud et d'identifier les étudiants africains les plus susceptibles de venir étudier ou se perfectionner en Belgique. Cette perspective n'est pas seulement scientifique. Elle vise aussi à assurer nos missions de service à la collectivité. Et à apporter notre contribution à la résolution des grands défis de la planète".

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