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La majorité des sièges sans la majorité des voix : une aubaine pour le mouvement d’indépendance flamand ?
11/01/2012

F. Bouhon

 

 

 



Carte blanche publiée dans le journal Le Soir du 30 décembre 2011.
Frédéric Bouhon, assistant en Droit constitutionnel à la faculté de droit de l’ULg

Plusieurs sondages récents attribuent à la N-VA entre 35 et 40% des voix flamandes. On pourrait être tenté d’en déduire qu’il manque à ce parti entre 10 et 15% des intentions de vote pour conquérir la majorité absolue du groupe linguistique néerlandais de la Chambre. L’examen de la législation électorale conduit toutefois à une conclusion différente, plus favorable aux nationalistes flamands.

En Belgique, les élections sont organisées à tous les niveaux de pouvoir selon le système proportionnel. Cela implique que le territoire est divisé en circonscriptions électorales auxquelles sont attribuées plusieurs sièges et que, dans chaque circonscription, les sièges sont répartis entre les partis politiques au prorata du nombre de voix obtenues par chaque parti qui s’y présente.

Parmi plusieurs formules de système proportionnel envisageables, la loi belge a retenu le système d’Hondt, du nom du professeur de droit gantois qui a inventé cette technique au 19ème siècle. Ce mode de scrutin est mis en œuvre pour les élections de la Chambre des représentants et du Sénat, mais aussi des Parlements régionaux et communautaires ainsi que des conseils provinciaux. Seules les élections communales font exception : également organisées au scrutin proportionnel, c’est le système Imperiali qui y est appliqué.

Sans entrer dans les détails techniques de la formule mathématique, consacrée notamment à l’article 167 du Code électoral, il convient de noter que le système d’Hondt a tendance à avantager – légèrement, mais certainement – les partis les plus forts électoralement. En d’autres mots, ce système de répartition des sièges a pour effet notable d’arrondir vers le haut le nombre de sièges qui sont attribués aux partis politiques qui ont obtenu une part importante des voix. Ainsi, si sept sièges sont à répartir dans une circonscription et que le premier parti y a récolté 50% des voix, ce dernier obtiendra quatre sièges, plutôt que trois (à défaut de recevoir les trois sièges et demi auxquels il aurait théoriquement droit). La tendance du système d’Hondt à surreprésenter les grands partis est encore renforcée lorsqu’un parti dominant est confronté à plusieurs formations politiques de force modeste, c’est-à-dire quand un écart important existe entre la part des voix du premier parti et celles des suivants.

Ces effets mathématiques du droit électoral peuvent avoir d’importantes conséquences politiques. Puisque les plus grands partis bénéficient généralement d’un bonus de représentation, il est possible qu’une formation politique qui n’est pas loin d’obtenir la majorité absolue des voix des électeurs (sans atteindre cette majorité), acquière cependant la majorité absolue des sièges au sein d’une assemblée. En ce qui concerne la Chambre des représentants, caractérisée actuellement par une forte fragmentation politique, cette situation peut sembler improbable. Il faut en effet remonter aux élections du 4 juin 1950 pour en trouver une occurrence : le PSC-CVP, jadis unitaire, avait alors obtenu 51% des sièges de la Chambre avec 47% des voix. Entre 1950 et 1954, la Belgique a ainsi connu ses derniers gouvernements homogènes, composés du seul parti catholique. Aujourd’hui, le Royaume considéré dans son ensemble, est loin de connaître semblable scénario.

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