Que sait-on des lapins et que peuvent-ils nous apprendre sur l’homme ? Comment nous ont-ils associés avec eux ou contre eux ? Comment leur histoire retrouve-t-elle nos propres conflits ? Que nous ont-ils amenés à faire et réciproquement ? Pour tenter de répondre à ces questions, il s’agit de connecter des temps et des espaces variés, en retraçant des trajectoires multiples et discontinues, des espaces et des temps assemblés de façon incongrue. Dans Le pire ami de l’homme (1), Catherine Mougenot et Lucienne Strivay, nous font découvrir un lapin dans tous ses états. Apprécié pour sa chair, sa fourrure et sa douceur, il se révèle aussi envahisseur, ravageur, difficile à débusquer voire - carrément – à éradiquer. Petit tour d’horizon des conditions de vie de ce petit animal qui a l’art de pointer son museau là où on ne l’attendait pas.
Espèce souche de tous les lapins domestiques, le lapin de garenne vit aux côtés de l’homme depuis toujours. Originaire de la péninsule ibérique, oryctolagus cuniculus appartient à la famille des léporidés. On le rencontre aujourd’hui sur tous les continents (à l’exception de l’Antarctique) et sur 800 îles ou groupes d’îles. Si l’on pensait tout savoir de lui, les deux auteures de l’ouvrage nous montrent le contraire. « Nous avons découvert que le savoir que nous avions sur le lapin est en fait très parcellaire et paradoxal, explique Lucienne Strivay, chargée de cours en Anthropologie de la nature au Département des Arts et sciences de la communication. Au fur et à mesure de nos recherches, nous avons vite compris qu’il allait complètement nous déborder ! » Car le lapin surgit là où on ne l’attend pas et dans des situations plus qu’improbables. « Nos recherches n’auraient pas été possibles sans Internet, reprend Catherine Mougenot, Chef de travaux au Département des Sciences et gestion de l’environnement. Cette source de documentation est aujourd’hui très intéressante, car elle permet de compiler des documents émanant de nombreuses époques et de divers types de savoirs. » Les modes de vie du lapin, ses maladies, son introduction sur des nouveaux territoires, mais surtout sa présence sous des formes inattendues ouvrent sur plus qu’elles-mêmes : l’impérialisme écologique, l’intrication des animaux dans les jeux humains de pouvoir et d’économie, les politiques au péril des stratégies de lutte ou de préservation, l’impossibilité définitive où nous place le vivant de séparer vraiment le sensible et l’intelligible.
(1) Mougenot C., Strivay L., Le pire ami de l’homme. Du lapin de garenne aux guerres biologiques., La Découverte, coll. Les empêcheurs de tourner en rond, 2011.