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Le pire ami de l’homme
10/01/2012

Le cas australien

Si la France et l’Angleterre ont connu une explosion de leurs populations de lapins, c’est sans commune mesure avec ce que vit encore aujourd’hui l’Australie. Septante ans d’efforts d’implantation du petit gibier traditionnel des colons anglais avaient pourtant été nécessaires à installer Jeannot sur cette terre récemment découverte. En, 1859, le britannique Thomas Austin, grand amateur de chasse, décide d’importer dans sa nouvelle patrie quelques couples de lapins. Un hobby tant attendu qui tourne au cauchemar. Faisant preuve d’une capacité d’adaptation indéniable, les lapins, qui ne rencontrent que peu de prédateurs sur cette terre d’accueil, se multiplient sans limites, pour atteindre le nombre record de 600 millions d’individus ! Ils profitent du manque de compétiteurs, de l’abattage des forêts et de la récente mise en culture de très vastes espaces. Et participent ainsi à la ruine des nombreux squatters qui venaient pourtant de trouver dans l’élevage des brebis récemment importées, une richesse facile.

Chasse, pièges, clôtures, explosifs, introduction des prédateurs naturels du lapin (renards, chats, etc.), barrières spectaculaires seront autant de méthodes testées pour en venir à bout. Et dans les années 1950, les autorités permettront l’introduction d’un virus mortel pour Jeannot : la myxomatose, découverte par hasard en 1898 en Amérique du Sud par Guiseppe Sanarelli (élève de Louis Pasteur). La maladie se propage par les puces, les mouches et les moustiques et provoque le développement de tumeurs et d’œdèmes qui viennent à bout de l’animal en deux petites semaines. Le lapin européen, seul animal pour lequel le virus soit mortel, n’avait qu’à bien se tenir. Dans un premier temps, la myxomatose atteint 90% des populations en Europe où elle a aussi été introduite de façon clandestine, comme en Australie et en Nouvelle-Zélande. Mais c’était sans compter avec son affaiblissement naturel et l’incroyable capacité d’oryctolagus cuniculus à lui résister. On le pensait vaincu et même s’il sort affaibli de cette bataille, il n’en reste pas moins là.

Aujourd’hui les autorités envisagent l’introduction, via la modification génétique du trypanosome des propagateurs de la myxomatose, d’un nouvel immunocontraceptif pour juguler la propagation du lapin. « Ce qui est paradoxal en Australie, c’est de voir des habitants qui, pendant 70 ans ont tout fait pour acclimater et installer l’espèce sur leurs terres, souligne Lucienne Strivay et qui se retournent ensuite contre elle. On se rend compte qu’en partant de quelque chose d’apparemment très anodin, on peut soulever des questions lourdes de sens pour l’humanité. Car on parle ici de guerre biologique, soit pour reprendre les termes de Louis Pasteur d’ « un poison vivant » qui pourrait seul venir à bout d’une aussi vivace prolificité ! Et cela à un moment où l’on commence à comptabiliser la disparition de tellement d’espèces ! »

Lapin2

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