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Faut-il se méfier de la résonance magnétique cardiaque?
29/01/2016

On peut se poser la question de savoir si l'effet observé est dépendant de la dose utilisée. "Il existe probablement une relation avec l'énergie absorbée par le patient, répond le Pr Lancellotti. Nous avons montré qu’il existe une relation linéaire entre l’énergie absorbée ou délivrée au patient et la persistance d’un taux élevé de gamma-H2AX mesuré dans les lymphocytes T circulants un mois après l’examen. Il faut comprendre que si on fait des examens qui durent plus longtemps, ça pourrait avoir un impact sur l'énergie produite, libérée et puis absorbée. On pourrait donc imaginer théoriquement avoir plus de lésions".

"Cela ne dépend pas que du temps, mais aussi du type de séquence (2) ou d'excitation. La corrélation observée entre la quantité d'énergie et les lésions observées à un mois existe, mais il faudrait avoir un plus grand nombre de sujets pour en être absolument certain", ajoute Alain Nchimi.

D'autres phénomènes observés interpellent encore Patrizio Lancellotti: "On a remarqué que l’examen induisait une légère inflammation transitoire, caractérisée par une petite augmentation des neutrophiles et des monocytes inflammatoires, une diminution du nombre des lymphocytes natural killers (cellules lymphocytaires tueuses) et une activation des neutrophiles et monocytes. La chose positive, c'est qu'il n'y avait pas d'activation des plaquettes, donc pas de phénomène prothrombotique (qui favorise la thrombose) lié à l'examen".

Pas si inoffensif qu'on le dit?


Ces résultats laissent penser que cet examen n'est peut-être pas aussi dénué de risque qu'on le pense généralement: "Dans notre travail, on a montré chez la moitié des sujets, une augmentation de ces altérations qui se maintenait et qui était plus importante au suivi à un mois. Par contre, la chose rassurante c'est qu'après un an, il y avait une normalisation complète. Il est clair qu'il existe un phénomène et qu'il faut le confirmer", estime le cardiologue.

"La question que l'on se pose, ajoute-t-il, c'est de savoir quel patient serait le plus susceptible de développer des lésions de l'ADN liées à une résonance magnétique qui, dans ce cas de figure, a été faite sans injection de gadolinium. Celui-ci permet de mieux visualiser les structures cardiaques, mais il est aussi potentiellement toxique et pourrait donc accentuer les phénomènes délétères observés. C'est une vraie nouveauté parce que la plupart des données obtenues in vivo précédemment l'ont été après une injection de gadolinium: dans ce cas, vous ne pouvez pas faire la part des choses entre l'examen lui-même et le produit de contraste utilisé".

Autres questions soulevées par cette étude: les modifications vont-elles se reproduire si on répète l'examen? Quelles sont les conséquences de ces modifications, à court et long terme? "Le plus important à mes yeux, analyse Patrizio Lancellotti, c'est de savoir ce qui se passe si on cumule les examens. Imaginons que je fais un scanner thoracique, une IRM cardiaque et un PET scan pour une mise au point diagnostique: quel est l'impact sur les lésions de l'ADN lymphocytaire? Ce qu'on a recommandé -qui est plutôt une suggestion-, c'est d'éviter, peut-être dans le mois, en tout cas chez les sujets considérés comme sains, de faire une multitude d'examens par RM cardiaque parce qu'on n'en connaît pas les conséquences".

Cet avertissement vaut d'autant plus si des produits de contraste sont utilisés. "La prudence et des restrictions semblables sont déjà d'application pour les examens qui utilisent des rayons X et pour l'imagerie nucléaire", préviennent les chercheurs du GIGA. IRM CardiaquePar ailleurs, ce qui les inquiète, indépendamment des résultats, c'est que l'étude a porté sur une population jeune or, plus les sujets sont âgés, moins les mécanismes de réparation de l'ADN sont efficaces...

Comment confirmer le doute actuel?

Le chemin de l'équipe du GIGA ne s'arrête donc pas là, il faut à présent confirmer et préciser ce risque en passant par des tests in vitro et in vivo chez l'animal (souris). Pour le volet in vitro, ils comptent réaliser plusieurs tests directement sur du sang humain afin de voir l'effet de ces radiations non ionisantes sur les lymphocytes. "En conservant ces lymphocytes en culture pendant plusieurs jours après l'exposition au champ magnétique, nous pourrons étudier les mécanismes de réparation de l'ADN et voir si, oui ou non, on a bien eu des cassures de l'ADN induites par ce champ", détaille Cécile Oury qui se réjouit du cadre de travail offert par le Giga et le CHU de Liège: "L'environnement est idéal, il rend cette étude possible grâce à une collaboration étroite entre cardiologues, radiologues et biologistes (moléculaire et cellulaire)".

2. Une séquence IRM c'est l'ensemble des paramètres définissant les impulsions de champ magnétique et les caractéristiques des mesures effectuées en imagerie par résonance magnétique.

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