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Le musée de société : histoire et enjeux
08/01/2016

Le musée de société, une institution aux multiples visages

Comme le démontrent les paragraphes précédents, le concept de « musée de société » peut regrouper une grande variété de formes muséales, qui se dotent de missions et d’objectifs spécifiques — détaillés dans les troisième et quatrième chapitres de l’ouvrage. Au cours des dernières décennies, le secteur muséal a connu une profonde remise en question, caractérisée par la volonté de rester en phase avec les transformations de la société actuelle. Cette « crise » s’accompagne, comme nous l’avons déjà souligné, d’un glissement de terminologie, le terme « musée de société » remplaçant progressivement celui de « musée d’ethnographie ». Cette transition est loin d’être anecdotique, car elle suggère l’importance croissante de l’objet du musée — la société —, au détriment de la filiation disciplinaire qui prévalait jusqu’alors.

Loin de constituer une catégorie aux limites restreintes, cette nouvelle terminologie recouvre donc un large ensemble d’institutions muséales, rendant sa définition relativement floue. Lors du colloque Musées et Sociétés en 1991 — qui constitue l’acte fondateur du musée de société en tant que nouvelle catégorie muséale —, ce dernier est défini comme un conservatoire de « collections composées d’objets et de documents témoins de l’évolution de l’homme et de la société ». Présentant le musée de société comme une sorte de « super catégorie » (excluant les musées de beaux-arts ou de sciences naturelles), cette définition comporte cependant de nombreuses zones d’ombre : outre le statut flottant des musées archéologiques, elle insiste sur le rôle soi-disant essentiel de la collection — alors que celle-ci, dans le cas des musées de société, passe souvent au second plan au profit du public et des idées.

La complexité de l’approche « musée de société » répond néanmoins à de nouvelles orientations empruntées par différentes institutions muséales. Ainsi, les musées d’ethnographie nationaux se penchent de plus en plus sur des thématiques contemporaines, articulées autour de l’identité collective et du vivre ensemble. Quant aux musées d’ethnographie locaux ou régionaux, la redéfinition de leur projet passe par un abandon de la présentation du modèle autarcique qu’est le monde rural, pour se pencher sur le métissage et les transformations de la société actuelle. Le développement du musée de société coïncide en outre avec le développement des musées thématiques ; si certains sont nés d’une collection nettement définie, la plupart se développent à partir des années 1970 en lien direct avec leur localisation — comme le Musée de la Vigne et du Vin à Beaune, ou le Musée de la Coutellerie à Thiers. Les musées de société regroupent également certains centres d’interprétation. De centres d’accueil au sein de parcs naturels, ils sont devenus une forme muséale à part entière depuis une vingtaine d’années, et se distinguent notamment des musées « traditionnels » par une approche didactique prenant en compte les connaissances et les représentations préalables des visiteurs, ainsi que par la mise en retrait des collections. D’autres formes muséales, comme les musées en plein air — collections immobilières dans des espaces non couverts —, les écomusées, les musées de sciences et techniques, ou encore les musées d’histoire, d’archéologie et de civilisation peuvent également prétendre appartenir à la grande famille des musées de société.

La-transhumance

Le terme « musée de société » est donc particulièrement englobant, s’appliquant à « toute institution portée par la volonté de jeter un regard pluriel et contemporain sur la société, sans distinction disciplinaire ou formelle ». Cependant, les musées de société ne constituent pas un groupe d’acteurs aux choix rigoureusement identiques, et de nombreuses tensions traversent ce pan de la muséologie. Elles se cristallisent tout particulièrement autour de certaines problématiques, comme la question de l’identité : réinterrogée, elle n’est plus désormais (uniquement) une ode au nationalisme, mais se lie étroitement à la thématique de la diversité culturelle. A contrario de certains musées d’ethnographie « à l’ancienne », figés dans le temps, d’autres musées de société questionnent la place de l’histoire et de la mémoire à travers le prisme de l’actualité. Enfin, les musées de société se penchent également sur le statut des objets exposés, a fortiori lorsqu’il s’agit d’objets contemporains : en effet, comment organiser la collecte et l’exposition d’objets sur lesquels nous ne possédons aucun recul ? Ces différents points de divergence rappellent donc le fossé existant entre la conceptualisation du musée de société, et sa mise en oeuvre sur le terrain : cette dernière implique un effort d’adaptation, souvent progressif, dans lequel tous les musées ne sont pas prêt à s’engager.

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