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Un éléphant marin, ça trompe rarement
16/12/2011

C’est l’histoire d’un grand phoque, témoin malgré lui de l’inconséquence des humains. Car Mirounga angustirostris (l’éléphant de mer septentrional) fait cruellement mentir l’adage : « après nous les mouches ». Bien au contraire ! Car les polluants que nous rejetons dans l’environnement se retrouvent dans la chaîne alimentaire marine, une pyramide dont ils contaminent successivement tous les étages. Jusqu’à risquer de se retrouver dans l’assiette d’un super-prédateur : l’homme. L’éléphant de mer septentrional, c’est donc ce « grand témoin » qu’observent et analysent deux chercheuses liégeoises, Sarah Habran et Krishna Das, du Laboratoire d’Océanologie de l’Université de Liège, dans un article publié par la revue internationale Environnemental Pollution (1). Cet article, prélude à la thèse de doctorat de Sarah Habran, s’inscrit dans le cadre d’une vaste étude, belge et internationale, sur les effets des polluants chez les mammifères marins (2). 

Mammifères marins et carnivores, les éléphants de mer sont les plus grands représentants de la famille des phoques, les phocidés. Leur nom, qui évoque les pachydermes terrestres pourvus de trompe et de défenses, leur a été attribué en raison de deux caractéristiques physiques qui les différencient des autres phocidés. Il y a, d’abord, leur masse imposante : alors qu’un phoque commun de sexe mâle mesure, en moyenne, 1m70 pour un poids de 100 kilos, l’éléphant de mer du nord peut atteindre trois tonnes chez un sujet mâle ! Il y a, ensuite, cette sorte d’ébauche de trompe (appelée proboscis) qui se développe chez les mâles. Ce curieux appendice leur permet d’amplifier les éructations et rugissements qu’ils émettent quand ils entrent en compétition avec des rivaux de la même espèce.

Elephant mer2
Cette famille compte deux espèces qui ne se rencontrent pas : l’éléphant de mer du sud (Mirounga leonina), qui habite les mers australes subantarctiques et vient se reproduire sur les côtes de la région (Patagonie, îles Malouines, îles Kerguelen…), et l’éléphant de mer du nord (Mirounga angustirostris), qui fréquente le nord de l’océan Pacifique et vient se reproduire et muer sur les côtes américaines, en Californie ou en Basse-Californie, au nord du Mexique. Seule cette dernière espèce est concernée par la présente étude, qui se poursuit en parallèle par des investigations sur les phoques gris de l’Atlantique Nord.

Le dimorphisme sexuel est considérable chez l’éléphant de mer septentrional : les mâles, qui peuvent atteindre cinq mètres de long, sont bien plus lourds que les femelles, dont la taille plafonne autour de trois mètres. Ces animaux ont un système de reproduction très polygame : les grands mâles dominants président de larges groupes de femelles, appelés « harem ». Un seul mâle dominant peut ainsi « séduire » et féconder plus de cinquante femelles en une saison !

(1) Sarah Habran, Cathy Debier, Daniel E. Crocker, Dorian S. Houser, Krishna Das, Blood dynamics of mercury and selenium in northern elephant seals during the lactation period, in Environmental Pollution 159 (2011) 2523-2529, éd. Elsevier
(2) La thèse de Sarah Habran s’inscrit dans un cadre plus large, s’intéressant aux niveaux et aux effets des polluants organiques et inorganiques chez les mammifères marins. Cette convention de recherche est financée par le Fonds de la Recherche Fondamentale Collective (Fonds associé au F.R.S. – FNRS) et finance deux équipes de l’Université de Louvain-la-Neuve (Pr Cathy Debier) et de l’Université de Liège (Dr Krishna Das et Pr Jean-Marie Bouquegneau). D’autres collaborateurs belges et étrangers ont apporté leur aide et leur expertise pour l’acquisition des échantillons, le suivi vétérinaire et l’analyse des différents polluants organiques : Sonoma State University (Californie, Etats-Unis), Sea Mammal Research Unit (University of St Andrews (Ecosse, Royaume-Uni), le Dr Ursula Siebert (University of Veterinary Medicine Hannover, Foundation, Institute of Terrestrial and Aquatic Wildlife Research –ITAW–, Allemagne), le Pr Jean-Pierre Thomé (CART, ULg), le Pr Adrian Covaci (Toxicological Center, Université d’Anvers). 

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