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Un éléphant marin, ça trompe rarement
16/12/2011

Dix centimètres de graisse : chance et malédiction

Comme tous les phoques, les éléphants de mer ont les membres postérieurs (l’équivalent de nos jambes) atrophiés. Chaque « pied » reste néanmoins bien distinct et présente une palmure destinée à la propulsion aquatique. En revanche, ils sont devenus impropres à toute locomotion terrestre. Mais les déplacements sur la plage sont assurés par les membres antérieurs : bien que transformés également en nageoires, ces « bras » leur permettent de prendre appui sur le sol et de propulser leur corps par bonds successifs. Ils sont ainsi capables d’effectuer des déplacements assez rapides sur de courtes distances, que ce soit pour regagner la mer, rattraper une femelle réticente ou chasser un intrus.

Les éléphants de mer possèdent, sous la peau, une épaisse couche de graisse qui les isole du froid, améliore leur flottabilité et constitue une réserve énergétique très précieuse pour les périodes de jeûne à terre. Cette graisse, dont l’épaisseur peut atteindre dix centimètres, est à l’origine d’une chasse intense qui a débuté au XVIIIe siècle et a failli entraîner la disparition de l’espèce à la fin du XIXe siècle. Les phoquiers pourchassaient alors les éléphants marins à terre, pendant la période de reproduction, les massacraient en grand nombre et faisaient fondre leur graisse hypodermique pour la transformer en une huile de très bonne qualité, propice à l’assouplissement des cuirs comme à la lubrification des machines aux débuts de la révolution industrielle. La chasse ne s’est vraiment arrêtée que lorsque de nouveaux types d’huile, d’origine minérale, ont pris le relais de la graisse fondue. Depuis le début du XXe siècle, les éléphants de mer septentrionaux sont protégés par les lois américaines et mexicaines, ce qui a permis de faire remonter leur effectif total à plus de 120.000 individus, alors que l’espèce avait frôlé l’extinction. Mais la population actuelle, reconstituée sur la base d’une diversité génétique amoindrie, est probablement moins robuste et plus sensible aux épidémies comme aux pollutions.

Les éléphants de mer passent la plus grande partie de leur vie sous l’eau, ne remontant à la surface que le temps strictement nécessaire pour faire le plein d’oxygène. Celui-ci est essentiellement stocké dans le sang, dont il possède un volume bien supérieur à celui de l’homme, même en le rapportant à sa masse corporelle. Au fil de longues plongées en solitaire, parfois jusqu’à 1.000 mètres de profondeur, Mirounga angustirostris traque principalement des poissons et des calmars. Sa chasse est facilitée par sa morphologie très hydrodynamique, propice à une nage rapide. Mais il est aidé aussi par une vue performante et par une paire de vibrisses, ces « moustaches » qui perçoivent les vibrations de l’eau, lui permettant ainsi de repérer aisément ses proies. On ne lui connaît pratiquement pas de prédateurs, à l’exception de l’orque et du requin blanc.
 Sa grande aisance en milieu marin n’empêche pas l’éléphant de mer de figurer parmi les phoques les plus « terrestres », puisqu’il passe, chaque année, plusieurs semaines consécutives sur la terre ferme.

La saison de reproduction débute en décembre avec l’arrivée des grands mâles sur les plages, les plus costauds se constituent un harem pouvant compter plusieurs dizaines de femelles. Ceux qui prétendent les leur disputer doivent affronter le dominant dans un combat précédé de puissantes éructations, à moins qu’ils ne parviennent à Elephant mer male« grappiller » l’une ou l’autre femelle demeurée à l’écart. Les femelles, fécondées lors de leur séjour « à la plage » de l’année précédente, y reviennent entre décembre et février pour mettre bas un seul petit, pesant à la naissance entre 30 et 40  kilos. L’allaitement du nouveau-né dure de 24 à 28 jours, pendant lesquels la mère, privée d’accès à sa nourriture aquatique, jeûne et maigrit considérablement, perdant un tiers de sa masse corporelle. A l’inverse, son rejeton, peut tripler son poids pendant la même période et atteindre, voire dépasser, les 100 kg lors du sevrage ! 

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