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La prévention criminelle, miroir de notre société
12/18/15

Ces décisions qui fleurissent un peu partout en Europe sont le fait de gouvernements majoritairement socio-démocrates. Ceux-ci misent en effet sur un modèle de prévention qui repose sur un système étendu de protection sociale ( accès aux soins de santé pour tous, éducation et aide aux plus démunis etc.). Ces choix politiques ne sont pas anodins. «Les décisions prises par les décideurs politiques de mettre plus l'accent sur telle ou telle facette de la prévention en disent long sur le projet de société qui réside derrière », argumente André Lemaitre. En garantissant un seuil minimal de bien-être pour tous et en améliorant les conditions de vie générales des individus, les décideurs politiques espèrent faire diminuer le taux de délinquance.

L'arrivée du néo-libéralisme

Ce modèle social qui semblait autrefois dominer l'échiquier politique européen apparaît pourtant comme minoritaire aujourd'hui. En cause, l'arrivée d'un modèle politique plus individualisant. Incarné en Grande Bretagne dès le début des années 80' par Magaret Tatcher, le néo-libéralisme tend à responsabiliser l'individu au détriment des idéaux socialistes. Il préconise le développement d'une prévention de type situationnelle. Ce modèle a été développé par des criminologues anglo-saxons avant de se propager de l'autre côté de l'Atlantique, en Scandinavie, aux Pays-Bas. Il est basé sur une approche essentiellement pragmatique de la criminalité et part du constat que la délinquance survient dans un contexte où toutes les conditions opportunes sont réunies pour un passage à l'acte. Partant de ce principe, des mesures sécuritaires accrues vont être prises. Celles-ci «ne s'attachent pas au délinquant et à sa personnalité mais à son environnement », comme l'écrit André Lemaitre dans son ouvrage. « Ces mesures sont mises en place afin d'obliger le délinquant potentiel à renoncer à son projet criminel compte tenu des risques qu'on va lui faire courir et des obstacles placés sur sa route. On complique le passage à l'acte et on réduit l'avantage et le butin espéré. »

Schema Clarke 1995

Les caméras disséminées un peu partout dans l'espace public et les campagnes de surveillance "Neighbourhood watch out" en sont une illustration concrète. Et André Lemaitre de confirmer: «La vidéosurveillance est une façon de surveiller à moindre coût. C'est une réponse facile du politique à une situation d'insécurité mais c'est aussi l'adhésion et la participation à l'expansion d'un marché privé qui tire profit de certains problèmes sociétaux ».

Si elle met en place des actions sécuritaires "coup de poing", la prévention situationnelle charge également le citoyen lambda d'une partie de sa propre sécurité (systèmes d'alarme domestique,  verrous, antivols, assurances privées etc.) accentuant davantage les inégalités sociales.

Les effets pervers?

Le renforcement accru de la sécurité tel qu'il est poursuivi par la prévention situationnelle peut déboucher sur des effets indésirables comme le déplacement de la criminalité vers d'autres foyers de convoitise, la limitation de l'espace de liberté des individus, le sentiment d'une surveillance oppressante, un climat de suspicion permanent ou encore le renforcement dans l'escalade des moyens et de la violence. « Plus les moyens utilisés pour se protéger sont massifs, plus les mesures pour s'en emparer seront fortes. A l'origine, une banque était simplement constituée d'employés qui distribuaient et récoltaient de l'argent derrière une table. Au fil du temps, les bureaux ont été  remplacés par des guichets vitrés avec des portes blindées et des codes d'accès. Comme le caissier est moins facilement atteignable, les criminels vont plus facilement s'en prendre aux clients et les détenir en otages pour pouvoir pénétrer dans le coffre.»

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