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La microcéphalie livre ses secrets
08/12/2015

Cibler Elongator

En 2009, les chercheurs liégeois étaient surpris que la manipulation génétique utilisée dans le but d’altérer l’expression d’Elongator entraînait des conséquences dans les neurones mais pas leurs progéniteurs. « On s’est dit que l’approche technologique n’était probablement pas appropriée pour l’analyse des progéniteurs». Auparavant, l’expression d’Elongator était modifiée par « électroporation in utero » et présentait toutefois un inconvénient : elle permettait de diminuer l’expression du gène, mais pas de le faire disparaître complètement. « Cette activité résiduelle pourrait expliquer pourquoi on n’avait pas de défaut dans les progéniteurs. Ceux-ci n’ont peut-être pas besoin qu’Elongator soit présent à 100% pour fonctionner correctement, à la différence des neurones, détaille Laurent Nguyen. On travaillait aussi à un moment du développement cortical assez tardif. Peut-être était-il nécessaire d’altérer l’expression d’Elongator plus tôt ?».

Un changement de méthode s’imposait.  L’équipe de l’ULg a mis au point une souris modifiée génétiquement, capable de faire « disparaître » complètement l’activité d’Elongator de ses progéniteurs via l’édition enzymatique du génome (système de recombinaison Cre-Lox). De façon innatendue, les souris invalidées présentaient une microcéphalie sévère !

Les chercheurs ont découvert que lorsqu’Elongator est absent des cellules souches du cortex, celles-ci vont avoir tendance à se mettre en mode « neurogenèse directe » exclusivement. Elles ne produisent donc plus de progéniteurs intermédiaires via la neurogenèse indirecte, dont le rôle est de multiplier le nombre de neurones. Au total, il y aura donc moins de neurones dans le cortex. Donc de la microcéphalie.

Après les souris, l’expérience a été réitérée chez la mouche. Mêmes résultats. Restait alors à confirmer  sur des souches humaines, ce qui fut fait grâce à des cellules souches de patients souffrant d’une mutation du gène de Elp1. « On les a reprogrammées en cellules souches pluripotentes induites(2), qui ont été cultivées de manière à ce qu’elles génèrent du système nerveux. Lorsque Elp 1 et Elp 3 ne sont plus exprimés correctement, ces cellules souches possèdent un programme de neurogenèse affecté qui mime partiellement le défaut observé chez l’animal microcéphale. ».

Balance restaurée

Homme, mouche, souris : même constat ! Un complexe Elongator altéré vient chambouler les processus de neurogenèse directe et indirecte. Mais quel en était le mécanisme ? Cortex cerebral murinCe fut la deuxième phase du travail de recherche. Une analyse moléculaire par séquençage ARN couplée à une analyse morphologique fine a démontré que l’absence d’Elp 3 induisait un stress au niveau du réticulum endoplasmique, cette « partie » de cellule faite de tubules membranaires. Ce stress est d’abord ressenti au niveau de la membrane du réticulum endoplamsique. Ensuite, différents récepteurs vont transduire (soit répondre en envoyant un signal) sous forme de voie de signalisation, ce qui va in fine permettre de réduire l’impact du stress sur la physiologie de la cellule. En d’autres termes, cette voie de signalisation va permettre de corriger le défaut qui avait causé le stress initial. « Ce qui est intéressant, c’est qu’en bloquant la transduction avec des outils génétiques, donc en empêchant la voie de signalisation d’être activée, on restaure la balance de neurogenèse », pointe Laurent Nguyen.

(2) Procédé qui consiste à reprogrammer génétiquement une cellule souche « adulte » pour lui redonner les mêmes propriétés qu’une cellule souche embryonnaire. Une technique qui avait valu le Prix Nobel de médecine en 2012 au professeur japonais Shinya Yamanaka. 

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