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Vagabondages de l'esprit et signes de conscience
09/12/2015

C'est ainsi que plusieurs réalisations intéressantes ont vu le jour au Coma Science Group, entre autres. Mais si certains de ces systèmes permettent de se jouer du contrôle moteur, ce qui les rend capables de contourner l'écueil d'une éventuelle paralysie motrice dont serait atteint le patient, ils supposent néanmoins que ce dernier comprenne encore le langage, car le principe de l'interface, comme celui des examens de neuroimagerie précités, est de mesurer des activations cérébrales en réponse à la demande d'exécution d'une tâche mentale. Comme, par exemple, se concentrer sur un stimulus visuel ou auditif. Or, nous l'avons évoqué, les patients concernés peuvent souffrir de déficiences sensorielles (cécité, surdité...), de troubles du langage (aphasie) ou de déficits attentionnels. L'approche diagnostique est alors caduque.

Comment dépasser cette difficulté ? Dans un article paru en septembre 2015 dans la revue Brain(3), des chercheurs du Coma Science Group et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Boston, ont montré qu'il était possible de résoudre le problème en recourant à l'IRM fonctionnelle « à l'état de repos », c'est-à-dire chez des sujets éveillés n'effectuant aucune tâche. Toutefois, même lorsque l'esprit a tout loisir de ne rien faire, la cognition vagabonde, se dirige toujours spontanément vers des pensées et des sentiments. Il existe donc chez tout individu une activité cérébrale par défaut. En fait, le mot « repos » est trompeur quand on parle du cerveau, puisque ce dernier n'est jamais véritablement silencieux, hormis dans l'état de mort cérébrale. Cette activité intrinsèque qui caractérise un cerveau dit au repos est quantifiable en IRMf et a servi de pilier à l'élaboration d'une méthode destinée, une fois encore, à distinguer les patients en état de conscience minimale des patients en état végétatif/non répondant.

IRMf repos

Quel trafic sur les autoroutes ?

L'enregistrement en IRMf chez des sujets au repos permet d'identifier six réseaux. Le premier, qui est composé d'aires associatives médianes (précuneus, cortex cingulaires antérieur et postérieur, cortex mésiofrontal) et latérales (cortex temporal postérieur), est lié à la conscience de soi, entendue comme le fait d'être concentré sur son monde intérieur - Que vais-je faire ce soir ? Arriverai-je à terminer mon travail à temps ?... « C'est le territoire de la petite voix intérieure qui nous parle et de l'imagerie mentale », précise Steven Laureys. Le deuxième réseau, qui met en œuvre des aires fronto-pariétales latérales, est centré sur la conscience du monde extérieur, bâtie à partir de nos perceptions - Il fait chaud dans cette pièce. Je commence à avoir mal au dos... Troisième réseau : celui de la saillance émotionnelle, incluant notamment l'insula. Sa fonction serait d'identifier certains stimuli émotionnellement marqués qui se révèlent importants pour l'organisme, telle la douleur ou l'anxiété.

(3) Demertzi, A., Antonopoulos, G., Heine, L., Voss, H. U., Crone, J. S., de Los Angeles, C., Bahri, M. A., Di Perri, C., Vanhaudenhuyse, A., Charland-Verville, V., Kronbichler, M., Trinka, E., Phillips, C., Gomez, F., Tshibanda, L., Soddu, A., Schiff, N. D., Whitfield-Gabrieli, S., & Laureys, S. (2015). Intrinsic functional connectivity differentiates minimally conscious from unresponsive patients. Brain: a journal of neurology, 138, 2619-2631.

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