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Vagabondages de l'esprit et signes de conscience
09/12/2015

Initialement, les données d'IRMf soumises aux classificateurs informatiques furent collectées chez les 51 patients constituant l'« échantillon liégeois ». Des personnes sélectionnées parce que leur état de conscience (VS/UWS ou MCS) avait été diagnostiqué avec un haut degré de certitude par le biais de l'« échelle révisée de récupération de coma ». Pour asseoir la validité de leur méthode de classification via l'IRMf au repos, les chercheurs testèrent des patients examinés dans deux autres centres hospitaliers : le Well Cornell Medical College, à New York, et l'hôpital universitaire de Salzbourg. Les résultats recueillis confirmèrent ceux qui avaient été initialement obtenus à Liège : la méthode de classification automatique fonctionnait dans plus de 90% des cas.

Selon l'un des coauteurs de l'article publié dans Brain, le docteur Susan Whitfield-Gabrieli, du Massachusetts Institute of Technology, « nous sommes face à une avancée importante dans le domaine du diagnostic par neuroimagerie. L'intérêt des progrès en matière d'IRMf à l'état de repos est qu'on peut recueillir les données de façon systématique et hautement fiables dans de nombreux centres à travers le monde. » Et d'ajouter : « En ce sens, le nouveau paradigme dépasse les imbroglios soulevés par la performance comportementale dans des études d'activation par tâches. »

Test sous anesthésie ?

La méthode a cependant des limites. D'une part, certains patients se trouvent dans une zone très proche de la frontière que les algorithmes de classement statistique ont établie comme ligne de séparation entre l'état végétatif/non répondant et l'état de conscience minimale. La réponse fournie par l'ordinateur sur le mode binaire « oui-non » doit alors être accueillie avec prudence. Par ailleurs, le plus grand écueil de la technique est qu'elle n'est applicable, en moyenne, qu'une fois sur deux. Pourquoi ? Parce que les données récoltées en IRMf ne sont pas exploitables lorsque le patient bouge dans le scanner, ce qui survient dans quelque 50% des cas. « Nous étudions la possibilité de changer de paradigme chez ces patients en réalisant le test sous anesthésie, indique Steven Laureys. Cette approche fait l'objet de nombreuses critiques, car on nous dit que la conscience est étrangère à cet état. Il n'empêche que nous avons montré, chez le sujet sain sous propofol, la possibilité de mettre en évidence, par IRMf, le câblage des réseaux. Lizette Heine, aspirante au FNRS, étudie actuellement la question chez les patients cérébrolésés. »

Une autre question en suspens est celle du pouvoir prédictif des classificateurs. Sont-ils capables d'émettre une prédiction quant à l'évolution de l'état de conscience de chaque patient en se basant sur son score, selon que ce dernier est plus ou moins éloigné de la valeur retenue pour opérer la distinction entre les états végétatif/non répondant et de conscience minimale ? Selon Athena Demertzi, les études en cours semblent montrer que le test ne se contente pas d'identifier des signes de conscience, mais permet aussi de prédire les chances de bonne récupération après un coma. Néanmoins, cette conclusion doit être confirmée sur de grandes cohortes, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui.

EEG Scan Etat reposL'IRMf au repos entre dans l'arsenal des moyens mis en œuvre pour débusquer d'éventuels signes d'une conscience résiduelle chez des patients gravement cérébrolésés. Elle doit se concevoir comme un outil complémentaire des examens cliniques, des interfaces cerveau-ordinateur et de l'ensemble des techniques de neuroimagerie fonctionnelle. L'un des prochains défis sera de combiner cette approche nouvelle avec les autres afin de toujours réduire la part d'incertitude dans le diagnostic et le pronostic des patients.

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