La Méditerranée, toxique pour les baleines
Pour l’heure, ces résultats démontrent que le profil de contamination de ces mammifères ne dépend pas exclusivement de leur place dans la chaîne alimentaire. Il faut aussi confronter ces données au sexe et à l’âge. Si les analyses reflètent que d’une manière générale, ce sont plutôt les mâles qui sont victimes des polluants organiques persistants, l’étude révèle par ailleurs que ce sont les plus jeunes qui ont à en souffrir le plus, parfois même jusqu’à l’issue tragique. « Le problème avec la population juvénile est qu’il y a un transfert très important de ces molécules (NDLR : PCB, DDT, et autres) vers la progéniture, aussi bien par voie placentaire, pendant les 12 ou 13 mois de grossesse des mères, que par la lactation », explique Krishna Das. « C’est encore plus efficace par la lactation car elles émettent un lait qui est très riche en lipides, très dense et donc le transfert est favorisé. Chez certaines espèces de dauphins, certains auteurs ont émis l’hypothèse que le taux de transfert de la mère à son premier né est tel que cela peut occasionner la mort du fœtus. C’est avec le premier né que la mère se décharge d’un maximum de polluants, pouvant aller jusqu’à 80% de la charge totale. Les transferts s’amenuisent ensuite avec les suivants. » Les conséquences possibles à court terme de la nature rémanente des polluants organiques persistants sont graves et nombreuses : augmentation du taux de mortalité, fausses couches, maladies, morts à la naissance, malformations et difformités de la progéniture, affaiblissement des défenses immunitaires et augmentation du risque de maladie. A long terme, il est probable que cela constitue une entrave à la reproduction. D’ailleurs, ainsi que nous le rappelle Krishna Das, « les populations ont déjà baissé depuis le stock recensé au XVIIIe siècle. Il faut se dire que ces populations de baleines ont une histoire lourde ! Il y a d’abord eu les captures par les industries baleinières qui ont fortement impacté un grand nombre d’espèces. Les cachalots étaient régulièrement chassés. Les populations étaient déjà alors sous leur effectif d’il y a 200-300 ans. A cela sont venus se rajouter d’autres maux parmi lesquels la pollution chimique mais il y en a encore bien d’autres (pollution sonore, capture en filet, perturbations dues à la navigation). Autant de facteurs de stress qui peuvent à long terme mettre en péril la survie des espèces, ou en tout cas leur bien-être. » Au-delà des mammifères marins, on sait maintenant que ces polluants lipophiles constituent un réel danger pour l’homme également puisqu’il s’agit de perturbateurs endocriniens qu’à l’instar des baleines nous avons dans nos tissus. « Ils peuvent affecter la puberté chez les adolescents. Ces polluants sont également considérés comme obésogènes. » (Lire à ce propos : Puberté précoce et DDT) Quelles solutions ?Face à ce constat, des parades doivent impérativement être mises sur pied. L’interdiction progressive un peu partout dans le monde des PCB et DDT, les deux polluants lipophiles dominants en terme de concentration dans l’espace maritime, a contribué à améliorer significativement la situation. « Auprès des espèces, il est difficile de comparer les niveaux de pollution d’une époque à l’autre car les techniques analytiques ont beaucoup évolué. Les niveaux sont cependant beaucoup plus bas. Chez certaines espèces utilisées comme sentinelles, on constate une diminution sur les 40 ans qui ont suivi l’interdiction des PCB » mais le problème est qu’ « on a désormais atteint un plateau et que pour pouvoir incurver encore ce plateau il faut davantage d’efforts. » Il faudrait notamment un meilleur contrôle des sources. La législation, même si elle existe, a peu de chances de faire évoluer les choses si en aval il n’est prévu aucun mécanisme de contrôle. « Les PCB sont toujours présents dans l’environnement ; ils ne sont plus autorisés mais il y a toujours l’utilisation de vieux équipements qui en contiennent dans les pays émergents. Au Brésil, on vole des stocks de vieux PCB dans les usines. Donc si on les vole, c’est qu’il y a une demande, probablement via le marché noir. » Ces polluants font donc l’objet d’une utilisation souterraine qu’il faudrait absolument pouvoir endiguer. Page : précédente 1 2 3
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