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Percer les secrets de la forêt gabonaise
11/16/15

Des forêts bénéficiaires pour tous

"DACEFI"?  "Forêt communautaire"? Il s'agit, en fait, de développer des alternatives à l'exploitation forestière illégale dans ce pays, connu pour être l'un des plus verts de la zone tropicale africaine (80% de sa superficie est recouverte de forêts!) et l'un des plus riches en faune du continent. Le Gabon est grand comme huit fois la Belgique et ne compte qu'1,5 million d'habitants, essentiellement implantés dans les zones urbaines et le long des axes de communication. Autant dire qu'il se présente comme un véritable paradis terrestre pour la faune et la flore. Même si ce pays tire un grand bénéfice de l'exploitation de ses ressources en pétrole et en minerais, il compte encore d'importantes poches de pauvreté dans les zones rurales, particulièrement au cœur des zones forestières. Tout y manque, ou presque: écoles, eau potable, dispensaires de soins, infrastructures de transport et de conservation des récoltes, etc. Il est donc tentant, pour ces populations excentrées et démunies, de trouver des sources de revenus là où elles le peuvent; par exemple en recourant au braconnage ou en procédant à des abattages forestiers illégaux. Par ailleurs, au Gabon comme ailleurs en Afrique tropicale, les petits exploitants forestiers sont localement nombreux. Ils peuvent donc exercer collectivement une pression non négligeable sur la forêt, particulièrement sur la disponibilité à long terme de la ressource ligneuse.

Pour éviter de tels scénarios, le gouvernement gabonais s'est doté en 2001 d'une législation prévoyant la création des forêts communautaires. Par principe, celles-ci sont gérées d'une façon participative par les communautés locales: elles décident collectivement à quelles priorités sont affectés les fonds dégagés par l'exploitation de la forêt (arbres ou autres produits forestiers: miel, fruits, écorces, etc.). "Forte d'une expérience de plus de dix années au Cameroun, notre équipe a d'abord contribué à l'élaboration d'un cadre législatif adapté aux réalités gabonaises, commente Jean-Louis Doucet. Ensuite, dans deux zones distinctes (Makokou et Ndjolé), nous avons mis en place avec l'ONG Nature + et le WWF des programmes de formation et d'accompagnement techniques aux métiers de la forêt". Des exemples? "Les communautés villageoises ont été formées à la reconnaissance des arbres, aux techniques d'abattage à moindre impact ou encore à la transformation du bois sur place. Grâce à notre accompagnement, elles disposent dorénavant de barèmes de cubage des grumes (NDLR: arbres abattus et dépourvus de leur couronne, destinés à la transformation) leur permettant d’éviter toute déconvenue lors de la vente des bois. L'objectif est de les orienter vers une gestion durable de la forêt, visant tant la rentabilité commerciale (jusqu'à la transformation du bois) que la protection de la ressource, le tout sur la base de connaissances scientifiques solides."

Un partenariat original, "made in Gembloux"

Coauteur de l'ouvrage avec Quentin Meunier et Carl Moumbogou, Jean-Louis Doucet parcourt le Gabon depuis 1993. C'est au cœur de ce pays, dans la "Forêt des abeilles" (entre Lopé et Booué), qu'il a réalisé sa recherche doctorale, consacrée à l'une des essences les plus emblématiques de l'Afrique centrale et parmi les plus exploitées de tout le continent africain (bien qu'elle soit endémique au Gabon): l'Okoumé (Aucoumea klaineana). Très prisée par l'industrie européenne du contreplaqué et de la menuiserie intérieure, cette essence est également destinée à des usages locaux: fabrication de pirogues (bois), confection de torches artisanales (résine) et pharmacopée (écorce). Pas étonnant qu'elle ait servi d'illustration privilégiée au travail du futur Professeur qui, déjà à l'époque, cherchait à baliser les contours de "l'alliance délicate de la gestion forestière et de la biodiversité dans les forêts du centre du Gabon" - intitulé de son travail doctoral.

Sa thèse servira à initier une réflexion, avec les firmes forestières, autour de la sylviculture de l'Okoumé, gage de sa régénération à long terme. Surtout, son travail servira de point de départ à un modèle de partenariat tout à fait original entre deux mondes insuffisamment habitués à se parler: l'entreprise et l'université. "Du fait que  les normes de certification sont de plus en plus exigeantes, les firmes forestières (CEB-Precious Woods, Rougier, CBG, etc..) ont un grand besoin de connaissances scientifiques sérieuses et crédibles. Sans elles, les plans d'aménagement imposés par les codes forestiers africains et les modalités de gestion imposées par les organismes de type FSC ne tiennent pas leurs promesses, ce qui risque de nuire à terme aux forêts et/ou à leurs occupants. Résultats: les entreprises, au pire, perdent leur certification; au mieux, elles doivent entreprendre des actions correctives, dans lesquelles nos conseils sont bienvenus". En échange de cet appui scientifique, l'équipe gembloutoise dispose d'un terrain d'étude privilégié pour ses étudiants, ses doctorants et ses chercheurs: les gigantesques territoires des concessions forestières attribuées aux firmes par l’État concerné.

Fiche guide Gabon

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