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Espace : altérations de la peau des souris
28/09/2015

Des modifications de la peau surprenantes

Les résultats de cette étude, publiés dans la revue du groupe Nature npj Microgravity (1), ont étonné les scientifiques. « Nous ne nous attendions pas à observer des changements histologiques au niveau du derme et des follicules pileux des souris », indique Charles Lambert. Et pourtant…les analyses montrent clairement que les souris ayant séjourné dans l’espace ont une peau nettement (-15%) plus mince que les souris témoins. « L’amincissement de la peau de ces rongeurs est comparable à celui lié à la vieillesse », précise le scientifique.

Coupe histologique souris espace
Quant aux follicules pileux, la microgravité ne les laisse pas non plus indifférents.  « Lors de leur développement normal, les follicules pileux passent d’une phase anagène (croissance du poil) à une phase catagène (arrêt de croissance et involution) puis à une phase télogène (chute du poil) », explique Charles Lambert. « Chez les souris soumises à la microgravité, de nombreux follicules pileux sont en phase anagène », révèle-t-il. « C’est très surprenant ! Et ces résultats ont été confirmés par les analyses transcriptomiques qui ont montré davantage d’ARN messagers typiques de follicules pileux en phase anagène ».

D’un point de vue biochimique, les observations concernant le collagène dans le derme des souris ont également surpris les chercheurs. « Etant donné que la peau des souris était amincie à leur retour de l’ISS, il était logique de postuler que le collagène du derme était moins bien synthétisé ou plus rapidement dégradé par des enzymes spécifiques», indique Charles Lambert. Les résultats de cette étude mettent en évidence qu’au contraire la synthèse de collagène est augmentée au sein du derme des souris envoyées dans l’espace, mais que les enzymes qui assurent la fabrication d’un collagène de qualité sont probablement moins abondantes. « Une hypothèse serait que le collagène nouvellement synthétisé n’est pas maturé correctement et est rapidement éliminé avant son accumulation, comme cela se passe notamment dans le cas de déficience en vitamine C. Au final, la balance pencherait donc bien vers une diminution de la quantité de collagène au niveau du derme de ces souris », précise le scientifique. Cette hypothèse doit encore être vérifiée.

La peau, un organe trop peu étudié chez les astronautes

Enfin, les analyses transcriptomiques ont permis d’étudier l’expression de 22.000 gènes parmi lesquels 11.000 se sont avérés « actifs ». « Les résultats montrent qu’environ 400 de ces gènes ont une expression modifiée par rapport à celle observée au sein des tissus de souris témoins », explique Charles Lambert. Les scientifiques ont étudié principalement trois familles de gènes : ceux liés aux composants de la matrice extracellulaire (notamment à la synthèse du collagène), ceux participant au développement des follicules pileux et ceux qui codent pour les protéines  musculaires présentes dans le derme. « Les souris possèdent un muscle au niveau du derme qui a disparu chez l’Homme au cours de l’évolution», souligne le chercheur. « Et nous avons remarqué des modifications de ce muscle similaires à celles observées dans d’autres muscles dits « posturaux » chez les souris ayant séjourné dans l’espace », poursuit-il.  Ces résultats montrant qu’un muscle non porteur présente le même type d’altérations apportent un éclairage nouveau sur la théorie selon laquelle les muscles posturaux soumis à la microgravité seraient modifiés en raison du manque de charge corporelle.

Les découvertes réalisées dans le contexte de cette étude montrent que la peau des souris est clairement affectée par la microgravité. Qu’en est-t-il alors de la peau des astronautes qui partent des mois ou, dans l’avenir, des années pour des missions spatiales ? « La peau a été très peu étudiée jusqu’ici chez les astronautes », explique Charles Lambert. « Pourtant il s’agit d’un organe très important qui joue un rôle vital de barrière vis-à-vis de la perte d’eau et de facteurs environnementaux délétères (UV, radiations, pathogènes, …).  Par ailleurs, les astronautes se plaignent souvent de problèmes cutanés tels que des démangeaisons ou des crevasses durant leur mission ». Les scientifiques espèrent que les observations qu’ils ont faites sur la peau de souris inciteront les décideurs à initier des recherches sur l’impact des séjours spatiaux sur la peau des astronautes.

(1)  Thibaut Neutelings, Betty V Nusgens, Yi Liu, Sara Tavella, Alessandra Ruggiu, Ranieri Cancedda, Maude Gabriel, Alain Colige & Charles Lambert. Skin physiology in microgravity: a 3-month stay aboard ISS induces dermal atrophy and affects cutaneous muscle and hair follicles cycling in mice. Npj Microgravity, online 27/05/2015, doi 10.1038/npjmgrav.2015.2

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