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La science politique à toute(s) épreuve(s)
22/09/2015

Actions alternatives

Autant d’éléments qui vont susciter la recherche de moyens alternatifs d’action, une caractéristique importante du champ politique actuel. Pétitions, comités de quartier, jurys citoyens, consultations populaires comme récemment à Namur dans le dossier de l’implantation d’un centre commercial au parc Léopold ou plus anciennement pour pousser Liège comme capitale culturelle 2015… Des tentatives de faire entendre les voix « d’en bas » qui s’organisent généralement à l’échelle locale. « Mobiliser trente personnes pour empêcher la construction d’une autoroute, c’est plus à portée de main que lutter contre le réchauffement de la planète ou la guerre en Irak, même si d’importantes manifestations citoyennes ont déjà été organisées pour ce type de causes, notamment à Londres ».  

Comme le mouvement des « Indignés », qui s’était répandu telle une traînée de poudre en 2011 depuis Madrid jusqu’au parvis de Wall Street à New-York en passant par Athènes, Bruxelles ou Paris. Par ailleurs, Internet peut devenir une caisse de résonnance pour ces pratiques politiques non-conventionnelles. Plus un jour ne se passe sans que d’énièmes pétitions émergent en ligne. Les nouvelles technologies semblent « leur avoir donné une nouvelle efficacité à la fois sociologique et institutionnelle », remarquent les six professeurs dans le dernier chapitre de leur ouvrage dédié aux citoyens. Ils citent l’exemple d’une pétition signée en 2009 par 93.000 personnes suite à la candidature de Jean Sarkozy comme responsable de l’Epad (Etablissement public pour l’aménagement de la région de la Défense). Le fils de l’ancien président français, qui était alors toujours en exercice, avait fait marche arrière, ce qui avait été considéré comme une première victoire de l’e-démocratie.  

parlement UE

Surcharge de négociations

Les élus ne sont pas toujours ravis de ce regain de démocratie alternative. Qu’ils considèrent souvent comme une perte de temps. « Une bonne partie du travail politique consiste à élaborer des décisions en négociant avec la majorité, l’opposition… Lorsqu’un accord a été trouvé au terme de longues discussions, il n’est pas toujours bien vu qu’un mouvement citoyen vienne contester la décision, pointe Jérôme Jamin. Mais, après-tout, c’est une question d’habitude. Prenez la Suisse : la vie politique traditionnelle basée sur les partis fonctionne en parallèle d’un système de démocratie directe via les votations. »  

Pour contrer la crise de légitimité qui les frappe, les partis ont entamé une course au centre. Plus le discrédit à leur égard s’accroît, plus ils doivent tenter de limiter l’hémorragie des électeurs. « En flattant le plus possible au centre, résume le politologue liégeois. Dans un premier temps, on est marqué à gauche ou à droite pour rassurer les militants. Ensuite, on assouplit sa position pour convaincre les indécis. » Une stratégie particulièrement visible dans le cas de Syriza, la coalition de la gauche radicale désormais au pouvoir en Grèce, qui avait tenu des propos très durs à l’égard de l’Europe dès l’entame de la campagne électorale. Puis qui avait radouci le ton au fur et à mesure de l’approche du scrutin, réaffirmant par exemple que son souhait n’était pas de quitter la zone euro.

L’exemple de Syriza illustre également une autre évolution récente de la politique : la résurgence des clivages gauche-droite. « Sans doute depuis la crise financière de 2008, juge Jérôme Jamin. Le degré d’inégalité au sein de la société est devenu insupportable dans beaucoup de pays. Cela signifie donc à nouveau quelque chose d’être pour ou contre le fait de payer plus d’impôts, de redistribuer les richesses, d’avoir davantage de logements sociaux, de limiter les allocations de chômage… »

Un terreau d’autant plus fertile pour  les partis extrêmes. « Ou en tout cas suffisamment alternatifs ». À gauche comme à droite. Le FN en France, Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, le Mouvement 5 étoiles en Italie… Sans oublier la N-VA, devenue en une dizaine d’années à peine le premier parti de Flandre, ou le PTB en Wallonie. « On pourrait imaginer que le Parti socialiste soit demain complètement désossé d’une part par le développement du MR et du CDH, et d’autre part par la montée en puissance du PTB. Au PS, ce risque de traversée du désert n’est pas qu’une hypothèse».  

Tous les moyens semblent bons pour sanctionner les partis traditionnels, pour faire valoir un  désarroi, pour exiger du changement. Signe, sans doute, que le lien entre les citoyens et la politique est certes distendu, mais pas rompu. Et qu’il pourrait se renforcer. Car après tout, le désamour vaut mieux que l’indifférence.

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