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La science politique à toute(s) épreuve(s)
22/09/2015

Amour/Haine

Ce dernier aspect ne fait pas l’objet d’un chapitre dans l’ouvrage. Si l’idée avait été initialement retenue, elle a dû être abandonnée faute de place. « Ce sera pour la prochaine édition ! » Mais le thème des médias est désormais étroitement lié à la politique. L’un et l’autre sont dans une relation d’interdépendance et d’amour/haine. Préférant s’éviter, mais finissant toujours par se rejoindre car ayant besoin l’un de l’autre. Pour le meilleur comme pour le pire. À commencer par la naissance du populisme, ce « discours au nom du peuple contre les élites », devenu omniprésent depuis une trentaine d’année. Un discours qui s’appuie notamment sur les médias, et plus particulièrement sur la télévision qui impose un style direct, simple voire démagogique et séducteur aux acteurs politiques.

« Un phénomène qui se généralise depuis la fin des années 1980, le début des années 1990, explique le co-auteur. Le populisme  n’est pas une idéologie, car il peut être tant de gauche que de droite. Il est apparu dans différents pays, notamment en lien avec le développement de la télévision. Le parti qui veut exister n’a pas vraiment le choix : il doit passer à l’écran. Et adapter son discours pour que les gens comprennent. »  Soit s’embarrasser le moins possible de complexité. Alors que le monde politique en est rempli… Ainsi fonctionne désormais le succès électoral : grâce à la médiatisation et moins en raison d’un programme.

Crise de foi politique

La presse n’est pas la seule responsable de l’émergence du populisme. La crise de la représentation n’y est certainement pas étrangère non plus. Rares sont de nos jours les citoyens qui vouent une confiance aveugle en leurs élus. Le crédit des élites s’effrite. La méfiance et le pessimisme se sont confortablement installés en démocratie. « L’histoire de la représentation n’est pas très vieille, relate Jérôme Jamin. Elle date de la fin du Moyen-Age et   des révolutions anglaise d’abord, puis française et américaine. Dès le moment où la parole a été donnée à la population s’est posée la question de la manière de la maîtriser. À l’époque, on pensait que l’expression directe des gens pourrait devenir incontrôlable ou être récupérée par des démagogues, des dictateurs. Il fallait donc contrôler ce risque grâce à un système où des professionnels de la politique se feraient élire par les citoyens. L’histoire même de la démocratie représentative commence par sa limitation ! »

Limitation d’autant plus marquée que seuls quelques privilégiés eurent au départ le droit d’inscrire un nom sur un bulletin. Ceux qui payaient des impôts, ceux qui détenaient un diplôme… En d’autres termes, la classe dominante. Mais minoritaire. L’issue du suffrage était donc sous contrôle. Les femmes ? Hors de question ! Elles devront dans de nombreux pays attendre les lendemains du conflit mondial de 1940-1945 (1948 pour la Belgique) pour obtenir le droit de vote. Une « compensation » à leur contribution majeure à l’effort de guerre.

De 1945 à 1970, la représentation politique semble donc faire tache d’huile. Dans un contexte social et économique au beau fixe. « C’est un peu le salut », confirme le politologue. La fin des trente glorieuses, le choc pétrolier et le ralentissement économique qui s’en suivit donnèrent le coup de grâce. « À partir de 1980, très lentement mais sans interruption, le discrédit s’est installé sur la représentation., Les citoyens ont pris l’habitude de considérer que les partis sont peu capables ou simplement incapables de faire baisser le chômage de résoudre les problèmes de la population, etc. »    

Dans les années 1990, le projet de construction européenne et la perte progressive de souveraineté des nations accentua cette méfiance. Désormais, le pouvoir ne se situe plus tout à fait au niveau national, mais pas encore vraiment à l’échelon supranational. La dépendance accrue du politique vis-à-vis des marchés financiers affaiblit également les partis comme acteurs traditionnels et intermédiaires entre le peuple et le pouvoir.

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