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Éris, la lointaine jumelle de Pluton
27/10/2011

Cette observation soulève des questions : comment une planète rocheuse (même naine) a-t-elle pu se former si loin ? Éris s’est-il formé plus près du Soleil, avant d’avoir été éjecté sur une immense orbite excentrique ? « C’est possible, répond notre astronome. On sait que des chamboulements ont réorganisé le Système solaire depuis sa formation, donnant lieu à des migrations de planètes qui ont conduit à l’éjection de nombreux corps. Il y a 3,8 milliards d’années,  Jupiter et Saturne sont entrés en résonance 1-2 : Jupiter faisait exactement deux tours du Soleil alors que Saturne en faisait un, créant une terrible instabilité gravitationnelle dans la région des planètes géantes. Des milliards de comètes ont alors été éjectées aux confins du Système solaire. Elles forment aujourd’hui le Nuage d'Oort. Mais il est aussi possible, imagine l’astronome, qu’Eris était plus gros dans le passé et était entouré d’une croûte de glace bien plus épaisse. Celle-ci aurait pu voler en éclat au cours d’une collision avec un autre objet, laissant à nu la partie la plus interne de la petite planète. »

La brillance d’Éris est aussi très étonnante : son pouvoir de réflexion est maintenant estimé à 96% et dépasse largement l’albédo de la neige fraîche qui est de 80%. Éris est un véritable miroir ! « Cette surface hyper brillante est une surprise, souligne Emmanuël Jehin, car Éris a l’âge du Système solaire, à savoir près de 4,6 milliards d’années. Sa surface a été bombardée pendant des milliards d’années par les rayons cosmiques et les micrométéorites.. La plupart des astéroïdes ont une surface très sombre, fortement modifiée par le vieillissement des roches exposées en permanence à l’espace. Pourquoi pas Éris ? Sans doute faut-il chercher du côté de l’absence d’atmosphère la réponse à cette énigme. Nos observations montrent qu’Éris est dépourvu d’atmosphère, contrairement à Pluton, alors qu’ils ont une taille et une composition très voisine. Les mesures spectroscopiques avec de grands télescopes montrent en effet que la surface d’Eris est, tout comme celle de Pluton,  recouverte d’une fine couche de glace d’azote et de méthane. Mais il ne faut pas oublier que Pluton est trois fois plus proche du Soleil permettant une évaporation des glaces de surface. L’atmosphère d’Eris a dû geler et se déposer à sa surface comme du givre lorsqu’elle s’est éloignée du Soleil au gré de son orbite très excentrique autour de l’astre du jour. Cette glace a recouvert de façon uniforme tous les reliefs d’une matière très réfléchissante. Mais lorsqu’Éris reviendra à son périhélie dans plusieurs centaines d’années, sa distance au Soleil sera de 38 UA, soit fort proche de celle de Pluton actuellement et une atmosphère devrait se reformer. Eris nous donne donc une image de ce que sera Pluton lorsqu’il rejoindra son aphélie à presque 50 UA du Soleil dans plus d’un siècle.»

Robotique TRAPPIST

On voit se révéler ici tout le potentiel de la technique des occultations stellaires. Toutes ces informations sur la taille, la densité, l’albédo d’un OTN, mais aussi, indirectement, sur l’histoire du Système solaire ont été obtenues grâce à une simple courbe de lumière prise à un moment stratégique, et obtenue avec un télescope de taille très modeste mais qui était disponible au bon endroit au bon moment. Cette occultation restera exceptionnelle car Éris fait désormais route vers un champ moins dense en étoiles : la prochaine occultation d’une étoile par Éris est prévue en août 2013... mais elle ne sera visible que depuis le Pacifique, ce qui en rend l’observation plus que difficile. Mais des occultations par d’autres OTN s’annoncent déjà et les théories de formation du Système solaire n’ont qu’à bien se tenir...

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