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Quand Google défie le droit
25/10/2011

Ciblage publicitaire et boîte noire-mystère

Les trois derniers chapitres de l’ouvrage nous entraînent au cœur du fonctionnement de la machine Google. Alain Strowel y aborde les défis posés par le service payant des AdWords,  le référencement et l’utilisation des données personnelles.

5. Les AdWords. Chaque requête lancée depuis la barre de recherche du moteur Google nous amène sur une page où des résultats dits « organiques » côtoient des liens publicitaires – apparaissant de manière bien visible dans la marge de droite et/ou au-dessus des résultats – ciblés en fonction des mots-clés utilisés pour effectuer ladite recherche. 97% des revenus de Google proviennent de la vente aux annonceurs de ces mots-clés (ou AdWords) permettant  de déclencher des publicités pour leur produits ou services. Google autorise l’achat de mots-clés de marques concurrentes afin notamment de réunir les conditions de possibilité d’une publicité comparative et, partant, d’une concurrence loyale. Mais comment, dans une telle configuration, limiter les pratiques déloyales par exemple lorsqu’on fait la promotion de contrefaçons grâce à des liens publicitaires déclenchés par des requêtes sur des marques en vue ? En France, plus de cinquante cas ont donné lieu à des décisions en justice. La maison de maroquinerie de luxe Louis Vuitton a ainsi intenté un procès contre Google après avoir constaté qu’une requête de recherche à l’aide des mots « Vuitton », « Louis Vuitton », « L & V » générait des liens commerciaux vers des sites offrant en vente des imitations des produits Vuitton. Devant cette action pour violation du droit de la marque, la Cour de justice européenne n’a pas admis que  Google soit directement responsable d’une atteinte à la marque, Google agissant comme intermédiaire. Les annonceurs au contraire peuvent être directement responsables notamment si la façon dont ils rédigent l’annonce (c’est-à-dire le « lien publicitaire » visible sur la page de résultat) induit une confusion dans le chef des internautes. « Certaines pratiques de Google en matière de vente de mots-clés sont pourtant un peu agressives, ajoute Alain Strowel. A travers son générateur de mots-clés, Google suggère et encourage l’achat de mots relatifs à des marques. Par exemple, lorsqu’un annonceur achète « sac en cuir » en mots-clés, le générateur peut lui suggérer l’achat des mots-clés « Delvaux » ou encore « Prada ». Dans un tel cas, on peut se demander si Google n’est pas responsable d’une atteinte à la marque. Il faut encore que les juridictions de fond se prononcent sur la mise en œuvre des principes définis par la Cour de justice européenne. »

AdWordsFR

6. Google : gardien et goulet d’étranglement de l’Internet. Le sixième chapitre analyse les défis liés à la position dominante du géant californien sur le marché de la recherche en ligne. Alain Strowel y aborde la problématique délicate du système de filtrage de l’information en faisant affleurer des facettes plus mystérieuses de la machine Google. « Le premier problème soulevé ici est que l’usager a droit, sur une page de résultats, à un mélange d’informations en principe objectives – les résultats organiques – et de liens publicitaires – les liens sponsorisés. Pour l’internaute moyen, la frontière entre les deux types d’information n’est pas forcément perceptible. En France, par exemple, Google a d’ailleurs légèrement modifié l’intitulé des espaces publicitaires – les « liens sponsorisés » sont devenus des « liens publicitaires » – dans un souci de clarté pour l’usager. » La grande zone d’ombre de la machine Google reste la boîte noire de l’algorithme utilisé pour générer le classement des résultats d’une recherche (ou PageRank) dont la recette est un mystère total. Quelques 300 critères seraient mobilisés pour organiser le classement des résultats des pages du moteur de recherche. Mais alors que Google se plaît à agiter l’étendard du « tout accessible à tous » et voudrait apparaître aussi ouvert que l’Internet, la firme fait preuve d’une confidentialité extrême sur les critères qui président au classement des résultats. Il en va de même pour le AdRank, le système de classement des publicités. Les consommateurs ne devraient-ils pas revendiquer une plus grande transparence pour savoir en fonction de quels critères les résultats organiques sont classés ? Pour Alain Strowel, « Il faut qu’une nouvelle transparence s’impose si l’on veut préserver les promesses de la démocratie Internet. Un système de filtrage comme celui de Google, par sa fonction de goulet d’étranglement, présente le risque d’empêcher certaines expressions un peu plus marginales de s’exprimer. L’accès à ce filtre devrait être autorisé afin que les autorités publiques puissent en analyser et surveiller les effets. »

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