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L’exploitation forestière, entre le marteau et l’enclume
28/10/2011

Les aléas du développement

Chez Pallisco comme chez les autres sociétés engagées dans le FSC, on sait pertinemment que les activités d’exploitation – et particulièrement la circulation des camions grumiers sur les pistes qui traversent les villages – ne sont pas toujours bien vues par les populations locales. Il ne suffit pas, en effet, de donner de l’emploi à quelques centaines de bûcherons, débardeurs, chauffeurs et autres ouvriers scieurs pour se faire apprécier par l’ensemble des communautés villageoises. Ni, surtout, pour contribuer réellement au développement de celles-ci en matière d’accès à l’eau et à la nourriture, à l’enseignement, aux soins de santé, etc. Or, c’est pourtant ce qu’exige le FSC à travers ses principes et recommandations de type « social ».

Village Cameroun
C’est la raison pour laquelle Pallisco, outre la création d’une infirmerie de cinq personnes au sein-même de son entreprise (avec laboratoire d’analyses médicales, salle d’accouchement, garde jour et nuit et accès gratuit aux médicaments : un luxe assez inouï en brousse), s’est lancée, il y a quelques années, dans une politique de médiation orientée directement vers les villages Bantous et Pygmées aux alentours. « Nous tentons de désamorcer les conflits, par exemple lorsque nos activités risquent de menacer des sites sacrés, explique Laure Mbadi, médiatrice chez Pallisco. Avec mes deux collègues, nous aidons également les communautés locales à formuler leurs besoins et leurs demandes en matière de développement : points d’eau potable, salles de classe, maisons de santé, matériel agricole, etc. Nous essayons d’insuffler une dynamique participative, fondée sur les besoins collectifs et non ceux du chef de village ou d’un groupe particulier d’individus», explique la jeune femme, formée à l’université de Yaoundé. En 2011, Pallisco aura dépensé près de 25 millions de francs CFA - soit près de 40 000 euros - dans ce type d’actions qui, loin de bénéficier seulement aux ouvriers et à leurs familles, s’étendent à des milliers de familles disséminées en forêt.

Efficace ? « S’ils sont liés à la santé ou à l’enseignement, la plupart des projets arrivent à de bons résultats, explique Laure Mbadi. Mais il faut à tout prix veiller à leur pérennité. Rien ne sert, en effet, d’ériger une classe d’école ou une case de santé si, deux ans, plus tard, l’enseignant ou l’infirmier ne peut plus être payé. Le plus difficile survient lorsque les projets génèrent des revenus, par exemple une culture de cacao ou de palmiers à huile. Souvent, les tensions apparaissent au stade du partage et les projets risquent l’explosion ». Dans l’équipe de médiateurs, on s’interroge sur les raisons profondes de telles difficultés. Le poids historique de l’assistanat (les ONG sont nombreuses dans la région) ? Le manque d’expérience des communautés Pygmées et Bantous dans la gestion collégiale des revenus ? L’influence à distance des « élites » de ces villages, souvent parties s’installer en ville ou dans la capitale ? « Faire simultanément du développement et de l’exploitation est très difficile, commente-t-on à l’Observatoire indépendant des forêts, à Yaoundé. Il s’agit de deux métiers différents ».

Le constat est sévère. Mais quelles sont les alternatives pour l’exploitant « durable » de la forêt, écartelé entre les exigences sociales très pointues des certificateurs FSC et la difficulté de l’Etat à assumer ses missions de lutte contre la pauvreté ? « Au moins, en tant que société certifiée, nous ne réglons pas tous les problèmes à coup de billets de banque, se félicite Laure Mbadi. Nous n’achetons pas les élites ni le silence des gens... ». Malgré les difficultés rencontrées, les efforts des médiatrices s’avèrent payants. Ainsi, l’époque des blocages de pistes par les villageois mécontents semble lointaine. Grâce à cette présence sur le terrain, les conflits peuvent être désamorcés avant qu’ils n’éclatent ouvertement. « Ces trois dernières années, nous n’avons connu qu’un blocage de camions. Quelque chose a changé ». Il y a quelques semaines, un nouveau médiateur a été engagé par l’entreprise : un Pygmée, pour encore améliorer le contact avec les habitants de la forêt…

Lire également l'interview de Jean-Louis Doucet et voir le reportage de Canal C

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